Le 15 mars 1962 à Alger, à quatre jours seulement de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu qui mettait fin à huit années de guerre en Algérie, Mouloud Feraoun a été assassiné par l’OAS (Organisation armée secrète). Ce jour-là, un commando de l’organisation paramilitaire d’extrême droite fait irruption en pleine réunion et exécute Mouloud Feraoun en même temps que 5 autres inspecteurs des centres sociaux, algériens et français : les instituteurs Ali Hamoutène, Max Marchand, Robert Eymard, Salah Ould Aoudia et Marcel Basset.
Mouloud Feraoun est né en 1913 dans le village de Tizi Hibel en Kabylie. Entré à l’école primaire en 1920, il est reçu au certificat d’études qu’il passe à Fort-National (auj. Aïn el-Hammam) en 1927. Décrochant une bourse au concours d’entrée, il est inscrit au collège de Tizi Ouzou en 1929 où il obtient son brevet en 1931. Il réussit le concours d’entrée et rejoint l’année suivante l’École normale d’instituteurs de Bouzaréah où il se liera d’amitié avec Emmanuel Roblès.
Il exerce en tant qu’instituteur de 1935 à 1952 dans sa région natale où il se marie et entreprend, en 1939, la rédaction d’un récit autobiographique autour du personnage de Fouroulou Menrad (anagramme de Mouloud Feraoun) qui deviendra Le Fils du pauvre. Achevé en 1948, refusé chez l’éditeur Charlot par Jean Amrouche, il est publié une première fois en 1950 à compte d’auteur et obtient le Grand Prix littéraire de la ville d’Alger qui consacre pour la première fois un auteur non européen. Le Fils du pauvre sera réédité au Seuil en 1954 expurgé de quelque soixante-dix pages.
En 1952, il est nommé directeur d’école à Fort-National. À cette époque, Feraoun correspond avec Albert Camus rencontré par l’entremise de Roblès. 1953 voit publier La terre et le sang (Le Seuil) qui reçoit le prix Populiste. En 1954, Jours de Kabylie paraît aux Éditions Baconnier. Le 1er novembre 1955, il entreprend son Journal. En juillet 1957, il est nommé directeur d’école au Clos-Salembier à Alger, année ou paraît Les chemins qui montent (Le Seuil). En 1960, les éditions de Minuit publient Les Isefra de Si Mohand ou Mhand, le barde kabyle de la fin du XIXe siècle. En novembre, Feraoun est inspecteur des centres sociaux à El-Biar.
C’est dans les locaux de ces centres sociaux qu’il est assassiné au printemps 1962. Il venait d’avoir 49 ans.
Son Journal sera publié en 1962, avec une préface d’Emmanuel Roblès, les Lettres à ses amis en 1969, l’Anniversaire en 1972, qui est constitué de divers textes dont l’ébauche d’une suite au Fils du pauvre, et plus récemment La Cité des roses, un roman, en 2007. Dans cet inédit de Mouloud Feraoun, un directeur d’école algérien, venu en 1958 de Kabylie pour la Cité des Roses, vit un amour impossible avec une enseignante française.
En prévision du centenaire de la naissance de l’écrivain en 1913, une "Fondation Mouloud Feraoun pour la culture et l’éducation populaire" a été créée le 12 mai lors d’une assemblée constitutive à Alger, à l’invitation de son fils Ali Feraoun. Outre la réédition et la diffusion des œuvres de Mouloud Feraoun, cette fondation travaillera à la transmission des valeurs humanistes défendues par l’auteur assassiné il y a cinquante ans.
En mars 2012, une première dans le pays, un colloque international a été consacré à Mouloud Feraoun à Alger. "Par un regrettable malentendu, notaient les organisateurs de la rencontre, la critique algérienne a, dans un premier temps, emboîté le pas à une lecture de l’édition coloniale, plus ou moins consciemment condescendante, qui a sous-estimé l’ironie subtile d’un esprit discrètement critique pour n’appréhender son écriture que dans son apparente transparence descriptive et la qualifiant de témoignage ethnographique". Des organisateurs qui voyaient dans ce colloque une opportunité "pour que littéraires, historiens, sociologues et anthropologues revisitent, avec le recul du temps propice à une critique dégagée des certitudes idéologiques, une œuvre qui constitue incontestablement un jalon majeur dans la transformation du champ intellectuel et culturel algérien".
Fin 2012, le Théâtre national de Nice présentait Enfances algériennes, un spectacle élaboré à partir du Premier Homme, le dernier roman inachevé d’Albert Camus, et du Fils du pauvre de Mouloud Feraoun, auxquels s’ajoutent des extraits de Chroniques algériennes de Camus et de Jours de Kabylie de Feraoun. Interprété par Sid-Ahmed Agoumi et Jacques Bellay et mis en scène par ce dernier, le spectacle met "en parallèle les enfances des deux hommes, le pied-noir et le Kabyle, différents par leur origine et leur culture, et pourtant réunis par une morale toute naturelle, faite de dignité, de loyauté, de courage, de fidélité à leurs origines et de dévouement envers leurs proches, une morale qui rejette obstinément toutes les formes de violence et d’injustice".
Les textes portés par les deux comédiens étaient accompagnés par les dessins de Charles Brouty qui a fait une carrière de dessinateur et d’illustrateur et notamment pour Jours de Kabylie de Mouloud Feraoun (1954) ou Jeunes Saisons d’Emmanuel Roblès (1961), avant de publier Tu te rappelles la Basetta ?, une suite de croquis sur le Bab el-Oued des années 1940 à 1960.
Le 8 mars 2013, Mouloud Feraoun aurait eu 100 ans.
Emmanuel Roblès et Le Journal de Mouloud Feraoun par Jean Marie Drot, Jean Aubry, H. Lasserre (8’06, TV Alger)
– 3 février 2018, lecture de textes de Mouloud Feraoun, extrait du Journal, par la Compagnie du dernier étage, Paris / Maghreb-Orient des livres
– 25 - 26 March 2017, International colloquium on Algerian literature, by the Japanese Maghreb Literature Society and the Department of contemporary literature studies, Tokyo Université
– 21 février 2017, Mouloud Feraoun : un écrivain engagé", par José Lenzini, journaliste et enseignant, Alger / Institut français – 20 décembre 2014, "Le Journal de Mouloud Feraoun, 1955-1962", par Ali Feraoun, président de la Fondation Mouloud Feraoun, rencontre suivie de la projection de l’adaptation théâtrale de l’œuvre par la compagnie Les Passeurs de mémoire à Lyon, Alger / Centre culturel historique Larbi Ben M’hidi, 18, rue Larbi Ben M’hidi, Alger
– 20 février 2014, Rencontre autour de Mouloud Feraoun, en présence de Ali Feraoun (fils de l’auteur et président de la Fondation Mouloud Feraoun pour la culture et l’éducation), et de José Lenzini (auteur de Mouloud Feraoun, un écrivain engagé, 2013), Paris / Centre culturel algérien – 6 décembre 2013, Colloque "Emmanuel Roblès et Mouloud Feraoun : centenaire d’une amitié", par Les Amis de Mouloud Feraoun, de Max Marchand et de leurs compagnons, présidé par Edmonde Charles-Roux, Paris / Ministère de l’Éducation nationale, 110, rue de Grenelle, Paris 7e
– 19 novembre 2013, Table ronde avec José Lenzini, écrivain, Rachid Mokhtari, journaliste, critique littéraire..., Alger / Institut français – 16 novembre 2013 Table ronde avec José Lenzini, écrivain, Rachid Mokhtari, journaliste, critique littéraire,... Tlemcen / Institut français / Librairie Alili - Fg Kiffane
– 11 novembre 2013, "Mouloud Feraoun, un écrivain engagé", avec José Lenzini, Annaba / Institut Français – 8 novembre 2013, Table ronde "Mouloud Feraoun, un écrivain engagé", avec José Lenzini, écrivain, auteur de la biographie homonyme (Actes Sud/Barzakh, 2013), Ali Feraoun, fils de Mouloud Feraoun..., Alger / Pins maritimes, 18e Salon international du livre (Sila) / Pavillon central, En partenariat avec l’Institut français d’Alger
– 28 septembre 2013, "Hommage à l’écrivain algérien Mouloud Feraoun", Paris / Institut du monde arabe – 13 avril 2013, "J’ai mal à l’Algérie" : Germaine Tillion et Mouloud Feraoun, lecture croisée, Paris / Cité nationale de l’histoire de l’immigration – 12 - 18 mars 2013, Alger & Tizi Ouzou / Semaine culturelle Mouloud Feraoun
* 12 mars, Journée d’étude, Alger / Ecole normale supérieure de Bouzaréah
*15 mars, Cérémonie de recueillement sur la tombe de l’écrivain au cimetière de Tizi Hibel
* 16 mars à 10h, conférence-débat sur La Terre et le sang animée par Djohar Amhis et Mhenni Akbal, Tizi Ouzou / Petit Théâtre de la Maison de la culture
* 16 mars à 14h, Projection du film Mouloud Feraoun d’Ali Mouzaoui
* 18 mars, Journée d’étude, Alger / Bibliothèque Mouloud-Feraoun (La Robertsau, Telemly)
– 1st December 2012, ’Mouloud Feraoun 50th Anniversary Symposium’, Waseda University
– 15 mars 2013, Tizi-Ouzou / Théâtre régional Kateb Yacine
La Terre et le sang
D’après le roman de Mouloud Feraoun
Adaptation de Mohamed Zemaiche
Mise en scène de Hamma Méliani
Enfances algériennes
Textes d’Albert Camus et Mouloud Feraoun
Mise en scène de Jacques Bellay
Avec Sid Ahmed Agoumi, Jacques Bellay
– 18 - 23 décembre 2012, Semaine culturelle Mouloud Feraoun, Alger / Bibliothèque Mouloud-Feraoun (La Robertsau, Telemly)
– 21 septembre 2012, "Hommage à Mouloud Feraoun et Ahmed Reda Houhou (1911-1956)", 17e Salon international du livre d’Alger / Palais des expositions des Pins Maritimes (Safex)
– 17 avril 2012, "Les textes littéraires de Mouloud Féraoun : éclairage ethnocritique de la tentation ethnographique" par Farida Boualit (Univ. de Bejaia), Béjaïa / Université Abderrahmane Mira / Faculté des lettres et des langues / Journées d’étude : Pour une anthropologie des textes maghrébins et subsahariens. Nouveaux enjeux pour l’ethnocritique
– 24 mars 2012, "Mouloud Feraoun : 50e année de son assassinat", évocation par Mohand Dahmous, Nabile Farès, Arezki Metref, Noureddine Saadi, Hend Sadi, Belkacem Tatem, Meziane Ourad, Paris / Association de culture berbère
> Lectures de textes de Mouloud Feraoun par Sid-Ahmed Agoumi
– 15 - 17 mars 2012, Colloque international Mouloud Feraoun : "Hommage à un intellectuel algérien pionnier de la littérature algérienne moderne", Alger / Bibliothèque nationale, Colloque organisé par le CNRPAH – 11 février 2012, "Evocation de Mouloud Feraoun", en compagnie de Safia Hamoutene, fille d’Ali Hammoutene, et de Jean-Philippe Ould Aoudia, fils de Salah Ould-Aoudia, Paris / Maghreb des livres / Hôtel de Ville
Bibliographie
–Les Tueurs et autres inédits (courts textes)
Présentation de Safa Ouled Haddar
(Alger, El Kalima, 2020)
–La Cité des roses (roman)
(Alger, Yamcom, 2007)
–Mmiss n igellil (Le Fils du pauvre)
Traduction berbère de Moussa Ould Taleb
(Tizi Ouzou, L’Odyssée, 2005)
–L’Anniversaire (roman inachevé et divers textes)
(Paris, Le Seuil, coll. Méditerranée, 1972)
(Rééd., Paris, Le Seuil, 1989)
–Lettres à ses amis
(Paris, Le Seuil, coll. Méditerranée, 1968)
–Journal (1955-1962)
(Paris, Le Seuil, coll. Méditerranée, 1962)
(Rééd., Alger, Bouchène, 1990)
–Les Poèmes de Si Mohand (essai)
(Paris, Éditions de Minuit, 1960)
(Rééd., Alger, Bouchène, 1989)
–Les Chemins qui montent (roman)
(Paris, Le Seuil, coll. Méditerranée, 1957)
(Rééd., Paris, Le Seuil, 1976)
–Jours de Kabylie (essais)
(Alger, Baconnier, 1954)
Illustrations de Charles Brouty
(Rééd., Paris, Le Seuil, coll. Méditerranée, 1968)
–La Terre et le sang (roman)
(Paris, Le Seuil, coll. Méditerranée, 1953)
Prix populiste 1953
(Rééd., Paris, Le Seuil, 1993)
–Le Fils du pauvre (roman)
(Le Puy, Cahiers du Nouvel Humanisme, 1950)
Grand prix de la Ville d’Alger
(Rééd. Paris, Le Seuil, 1954, 1982 et 1995)
Sur l’auteur
–Mouloud Feraoun. Un écrivain engagé
de José Lenzini
Préface de Louis Gardel
(Solin/Actes Sud, 2013)
–Mouloud Feraoun. Lectures postcoloniales et trans-inter-culturelles
Dir. Boussad Berrichi Dalhousie French Studies [Dalhousie University, Can], Vol. 100, No 3, 2012)
–Mouloud Feraoun - Maurice Monnoyer : Histoire d’une amitié
de Mehenni Akbal
(Alger, El-Amel, 2009)
–Mouloud Feraoun et l’éthique du journalisme
de Mehenni Akbal
Préface de Mahfoud Kaddache
Postface de Nassira Belloula
(Alger, El-Amel, 2007)
–Le Fils du pauvre de Mouloud Feraoun ou la fabrique d’un classique
de Martine Mathieu Job
(Paris, L’Harmattan, 2007)
–Les Idées médiologiques chez Mouloud Feraoun
de Mehenni Akbal
Préface de Mahfoud Kaddache
(Alger, Dahlab-ENAG, 2002)
–Mouloud Feraoun ou l’emergence d’une littérature
de Robert Elbaz et Martine Mathieu Job
(Paris, Karthala, 2001)
–Le juste assassiné ou l’univers de Mouloud Feraoun d’Eugène Coupel
(Paris, Société des Ecrivains, 1999)
–L’assassinat de Château Royal - Alger : 15 mars 1962
de Jean-Philippe Ould-Aoudia
Introduction de Germaine Tillion
Préface d’Emmanuel Roblès
(Paris, Tirésias-Michel Reynaud, 1992)
–Mouloud Feraoun
de Jack Gleize
(Paris, L’Harmattan, 1990)
–Mouloud Feraoun, une voix en contrepoint
de Christiane Achour
(Paris, Silex, 1986)
–Mouloud Feraoun. La voix et le silence
de Marie-Hélène Cheze
(Paris, Le Seuil, 1982)
–Mouloud Feraoun
de Guy Meyra
(Alger, FLN, 1975)
Aucune
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