Au coeur d’un mouvement orientaliste aux formes picturales difficiles à caractériser tant elles sont nombreuses et étendues dans le temps, le parcours du Français Georges Gasté (1869-1910) reste à part et échappe à la plupart des classifications. Peintre et photographe né à Paris, fils d’un marchand de tableaux décédé très tôt, Constant Georges Gasté fut élève de l’École des Beaux-Arts de Paris. A la suite d’un premier voyage en 1892 au Maroc, en Tunisie et en Algérie, qui va le mener à la peinture orientaliste, il a alors vingt trois ans, il passera la plus grande partie de sa vie en Algérie (1894-1898), en Egypte (1898-1903) et en Inde (1905-1910) où il est mort à l’âge de quarante et un ans.
Malgré le succès de sa production au tournant du XXe siècle et les deux rétrospectives qui lui sont consacrées en 1911 et 1913 au Grand Palais à Paris, au lendemain de sa disparition subite, il a fini par tomber dans l’anonymat. Avec le livre qu’elle lui consacre, Georges Gasté. Traquer le soleil dans l’ombre, Aude de Tocqueville le ressuscite en retournant sur les pas de l’artiste, de Paris à Alger et Bou Saada, et du Caire à Madurai. Le livre se nourrit en outre de son œuvre peinte et de ses photographies, sans compter la correspondance entretenue par Gasté avec son cousin Henri, son précieux relais à Paris, dans laquelle il s’épanche, même si c’est avec beaucoup de pudeur.
S’éloignant tout jeune de sa terre natale, de sa mère avec laquelle il entretient une relation difficile et de ses morts, sa sœur, son père et son oncle, tous disparus prématurément, et malgré toute la souffrance accumulée en bandoulière, Georges Gasté a mené une vie d’artiste voyageur constamment "entre exaltation et solitude". Si ses tableaux témoignent de sa quête perpétuelle pour attraper la lumière, ils disent aussi l’intimité immédiate qu’il savait susciter avec ses modèles, ouvrant la voie à de vraies rencontres, et enfin, souligne Aude de Tocqueville, une insondable mélancolie qui le rongera toute son existence.
Sa vie de peintre, avec toujours plus de voyages et de liberté, s’est confondue avec l’énergie mise dans son œuvre car, sans commande ni récompense, il lui fallait produire, encore et toujours ; et attendre des salons d’être exposé et de se faire connaître, espérer une distinction et enfin, avec le succès qui accompagne certaines œuvres, de vendre. Plus tard, il se défiera un temps des salons, estimant que la peinture doit parler toute seule. "Plus de salons, plus de médailles, écrira-t-il, ne plus exister que par son œuvre seule"
A Paris où ses tableaux séduisent rapidement, on parlera bientôt de lui comme d’un artiste sauvage qui vit avec les musulmans et déteste les mondanités. La vie des Européens ne l’intéresse guère, il lui préfère résolument son aventure de solitaire, faite de rencontres. Séjournant en Egypte, il précise sa pensée et se lâche lorsqu’il écrit : En Orient, je n’aime que le pauvre hère, et tout ce qui porte tarbouche, cravate rose, bleu ciel ou écossaise me dégoute. J’ai l’horreur du monde, de cette aristocratie d’ici, aristocratie d’argent, aristocratie de m… "
Dans l’une de ses lettres qui évoque ses dix premières années loin de Paris, il parle de dix ans d’exil "dans des pays tropicaux, hostiles, un climat vous exposant aux désordres nerveux, aux troubles cérébraux, à l’anémie, à la neurasthénie, etc. etc., pendant que les susdits petits confrères peignent des binettes de bourgeois, des sous-bois au bas Meudon, de l’Orient à l’atelier… mais à Paris, qu’y ferais-je ?"
De Georges Gasté, dans sa préface au livre d’Aude de Tocqueville, Yasmina Khadra écrit, "il marchait vers les hommes en toute confiance, certain que nul ne peut prétendre vivre pleinement sa vie sans vénérer de chaque religion un saint et de chaque folklore un chant", avant d’ajouter "parce qu’il savait observer et écouter, aimer et partager, Gasté disposait d’une belle longueur d’avance sur les mentalités de ses contemporains : il ne voyait le monde que libre !"
A sa façon, le livre d’Aude de Tocqueville rappelle qu’il y a encore fort à faire dans notre effort de connaissance et de relecture critique de la peinture au siècle des conquêtes européennes et de la colonisation. Et aussi que Georges Gasté s’est consumé dans une entreprise personnelle "en reporter inspiré plus qu’en visionnaire illuminé".
Historienne de l’art, Aude de Tocqueville a publié plusieurs ouvrages traitant d’architecture et d’histoire et notamment Le Tocqueville des musées de France (La Martinière), Cent monuments pour raconter l’histoire de Paris (Aubanel) et une Histoire de l’adultère (La Martinière).
– 4 novembre 2017 - 18 février 2018, Un Orient sans mirages - Georges Gasté 1869-1910 | Peintures et photographies, Versailles / Musée Lambinet – 24 mai - 29 octobre 2017, Georges Gasté peintre et photographe, Bagnères-de-Bigorre / Musée Salies, 65200 Bagnères-de-Bigorre
– 19 - 31 janvier 2015, Photographies de Georges Gasté à Bou Saada, Constantine / Institut français – 5 décembre 2014 - 1er mars 2015, "Georges Gasté. Itinéraires d’un orientaliste" (peintures et photographies), Riom / Musée Mandet, 14, rue de l’Hôtel de Ville, 63200 Riom Tél. : 04 73 38 18 53
– 4 - 30 novembre 2014, Photographies de Georges Gasté à Bou Saada, Alger / Institut français
> 4 novembre 2014, rencontre autour de Georges Gasté, avec Aude de Tocqueville, auteur de Georges Gasté. Traquer le soleil dans l’ombre, modération : Mustapha Laribi, journaliste, Alger / Institut français
* En partenariat avec www.algeriades.com
– 5 juin - 12 juillet 2013, "Georges Gasté : L’art plus que la vie", Paris / Centre culturel algérien – 21 mars - 5 mai 2013, "Georges Gasté, un Orient d’ombre et de lumière, 1894-1910", Paris / Musée du Montparnasse, 21, avenue du Maine, Paris 15e
Georges Gasté. Traquer le soleil dans l’ombre
par Aude de Tocqueville
Préface de Yasmina Khadra
(Paris, Arthaud, 2013)
Aucune
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