Jusqu’au 13 décembre, le 2e Festival international du cinéma d’Alger présentait une sélection de 10 films de fiction et 13 documentaires de 14 pays. Le Festival qui porte en sous-titre, "Journées du film engagé", ne tranche pas la question entre film engagé et films sur l’engagement de figures aussi diverses qu’Henri Alleg, Jean Ziegler, Stéphane Hessel, Louisette Ighilahriz ou... Bob Marley.
Dans le lot justement, nous recommandions de ne pas rater Marley de Kevin Macdonald, une bio imposante de 144’ du roi Bob, disparu en 1981 et dont la flamme est plus que jamais vivace, par le réalisateur du Dernier Roi d’Ecosse sur le dictateur Idi Amin Dada ou de Mon meilleur ennemi un documentaire sur le criminel nazi Klaus Barbie.
La sélection comptait de bonnes nouvelles du continent comme Aujourd’hui d’Alain Gomis (Compétition officielle à Berlin et prix spécial du jury à Carthage 2012), Indochine sur les traces de ma mère de Idrissou Mora Kpaï (Fespaco, 2011) et surtout La Pirogue de Moussa Touré qui revisite le thème des harraga à travers l’équipée meurtrière d’une vingtaine de passagers clandestins partis de Dakar pour atteindre les îles Canaries. A Cannes cette année dans la Sélection Un certain regard, La Pirogue a en outre obtenu le Tanit d’or ainsi que le prix du public à Carthage.
On a noté la sélection de Rengaine de Rachid Djaïdani, une comédie humaine efficace et drôle sur le racisme entre Noirs et Arabes à travers le projet d’union de Sabrina, une jeune Parisienne d’origine algérienne, qui veut épouser Dorcy, un jeune Noir d’origine africaine et de surcroît catholique. Fils d’une mère soudanaise et d’un père algérien, ex-champion de boxe, devenu écrivain et acteur, Rachid Djaïdani signe là son premier film. Sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes 2012, Rengaine a connu un excellent accueil par la critique, à sa sortie le 14 novembre dernier.
On a également signalé Nostalgie de la lumière, une belle métaphore cinématographique très personnelle du Chilien Patricio Guzman. Avec ce film, l’auteur notamment de Chili, la mémoire obstinée (1997) poursuit son travail sur la mémoire, ici dans le désert d’Acatama où des astronomes explorent les confins de l’univers pendant que d’autres fouillent le sable à la recherche des fragments éparpillés de leurs proches disparus sous la dictature du général Pinochet. Nostalgie de la lumière était en sélection officielle, au Festival de Cannes 2010.
D’Amérique du Sud toujours, Dias de Gracia (Jour de grâce) d’Everardo Gout nous vaut une plongée dans le Mexique d’aujourd’hui enferré entre football et crime organisé. Dias de Gracia était également en sélection au Festival de Cannes 2011.
Il fallait aussi compter avec l’étonnant César doit mourir (Cesare deve morire) de Paolo et Vittorio Taviani pour lequel ces derniers sont allés filmer le parcours de création de Jules César de Shakespeare avec une troupe très spéciale constituée par des détenus d’une prison de Rome. César doit mourir a décroché l’Ours d’or à Berlin cette année.
La Palestine était à l’honneur avec deux films de Michel Khleifi (Zindeeq, 2009 et Le Conte des 3 diamants, 1994), ainsi qu’un hommage aux cinéastes palestiniennes du réseau Shashat (les Ecrans), formées dans le cadre d’ateliers organisés à Ramallah.
Outre des portraits de personnalités engagées comme Jean Ziegler contre l’ordre moral d’Elisabeth Jonniaux et Stéphane Hessel. Une histoire d’engagement de Christine Seghezzi, les sélectionneurs entendaient honorer Constantin Costa Gavras, en rendant un double hommage au réalisateur de Z et au vieil ami de l’Algérie à qui l’on doit plus récemment Cartouche gauloises de Mehdi Charef et Mon Colonel de Laurent Herbiet. Costa Gavras était à Alger avec son dernier film Le Capital.
De l’Algérie, bien évidemment, il a été beaucoup question en cette année de 50e anniversaire de l’indépendance à travers une pléiade de documentaires, qui reviennent sur la guerre de libération, comme Moudjahidate d’Alexandra Dols (2007), Henri Alleg. L’homme de ’la Question’ de Christophe Kantcheff (2008), La moudjahida et le parachutiste de Mehdi Lalaloui (2012) qui interroge la militante indépendantiste Louisette Ighilahriz et le parachutiste Raymond Gloarec, Les 3 guerres de Madeleine Riffaud de Philippe Rostan (2010) et Ils ont rejoint le front de Jean Asselmeyer (2012).
L’Algérie nouvelle, on y croyait de Chloé Hunziger (Doc., 2011) se penche sur les milliers de coopérants français, mais aussi des anticolonialistes, des chrétiens progressistes, des militants tiers-mondistes, des amis de l’Algérie nouvelle qui sont allés au lendemain de l’indépendance avec le souhait d’aider à reconstruire le pays. Yema de Djamila Sahraoui revient, pour sa part, sur la décennie de violence et de massacres qui ont endeuillé l’Algérie des années 90.
– 6 - 13 décembre 2012, 2e Festival international du cinéma d’Alger (FICA), Salle Ibn Zeydoun / Cinémathèque / Cercle Frantz Fanon (Riadh el-Feth)
Programme
Fictions à la salle Ibn Zeydoun
6 décembre
– 19h : Zindeeq de Michel Khleifi (2009) [Film d’ouverture]
7 décembre
– 15h : Zindeeq de Michel Khleifi
– 17h : Le Conte des 3 diamants (1994) [en présence du réalisateur]
– 19h : Aujourd’hui d’Alain Gomis (2012)
8 décembre
– 15h : Aujourd’hui d’Alain Gomis
– 17h : Yema de Djamila Sahraoui (2012)
– 19h : Marley de Kevin Macdonald (2012)
9 décembre
– 15h : Yema de Djamila Sahraoui
– 17h : César doit mourir (Cesare deve morire) de Paolo et Vittorio Taviani (2012), en présence de Mario Serenellini, critique de cinéma à La Repubblica
– 19h : Wilaya de Pedro Pérez Rosado (2011) [en présence du réalisateur]
10 décembre
– 15h : Wilaya de Pedro Pérez Rosado
– 17h : "Hommage aux cinéastes palestiniennes du réseau Shashat"
– 19h : Nostalgie de la lumière (Nostalgia de la luz) de Patricio Guzmán (2010)
11 décembre
– 15h : Nostalgie de la lumière de Patricio Guzmán
– 17h : Rengaine de Rachid Djaïdani (2012) [en présence du réalisateur)
– 19h : La Pirogue de Moussa Touré (2012) [en présence du réalisateur]
12 décembre
– 15h : César doit mourir de Paolo et Vittorio Taviani
– 17h : Marley de Kevin Macdonald
– 19h : Dias de Gracia (Jours de grâce) d’Everardo Gout (2012) [en présence du réalisateur]
13 décembre
– 19h : Le Capital de Constantin Costa-Gavras (2012) [Film de clôture, en présence du réalisateur]
14 décembre
– 15h : Rengaine de Rachid Djaïdani
– 17h : Dias de Gracia d’Everardo GOUT
– 19h : La Pirogue de Moussa Touré
Documentaires à la Cinémathèque algérienne
7 décembre
– 18h : Thala rébellion éternelle d’Adel Bakri (2012)
8 décembre
– 15h : Will the Real Terrorist Please Stand Up ? (S’il vous plaît, que le vrai terroriste se lève) de Saul Landau (2010)
– 16h30 : Ils ont rejoint le front de Jean Asselmeyer (2012)
– 18h : Jean Ziegler contre l’ordre moral d’Elisabeth Jonniaux (2010)
9 décembre
– 15h : L’Afrique des ténèbres à la lumière de Lamine Merbah (2012)
– 16h30 : L’Algérie nouvelle, on y croyait de Chloé Hunziger (2011)
– 18h : Indochine sur les traces de ma mère d’Idrissou Mora Kpaï (2011)
10 décembre
– 15h : Stéphane Hessel, une histoire d’engagement de de Christine Seghezzi (2009)
– 16h30 : Henri Alleg, l’homme de ’la question’ de Christophe Kantcheff (2008)
– 18h : Armadillo de Janus Metz (2010)
11 décembre
– 15h : Moudjahidate d’Alexandra Dols (2007)
– 16h30 : La Moudjahida et le parachutiste de Mehdi Lalaloui (2012)
– 18h : Les 3 guerres de Madeleine Riffaud de Philippe Rostan (2010)
Rencontres avec les réalisateurs, Cercle Frantz Fanon (Riadh el-Feth)
– 7 décembre à 10h : Michel Khleifi
– 8 décembre à 10h : Adel Bakri
– 9 décembre à 10h : Jean Asselmeyer et Elisabeth Jonniaux
– 10 décembre à 10h : Pedro Pérez Rosado, Idrissou Mora Kpaï et Lamine Merbah
– 11 décembre à 10h : Christine Seghezzi et Christophe Kantcheff
– 12 décembre à 10h : Alexandra Dols, Mehdi Lalaloui et Philippe Rostan [en présence de Madeleine Riffaud]
– 14h : Moussa Touré et Rachid Djaïdani
– 13 décembre à 10h : Everardo Gout et Abdelsalam A.M. Shehada
– 14 décembre à 10h : Constantin Costa-Gavras
Tables rondes au Cercle Frantz Fanon (Riadh el-Feth)
– 10 décembre à 12h : "Quelles frontières thématiques pour un cinéma engagé ?", Animation : Ahmed Bedjaoui
– 12 décembre à 12h, "Les jeunes cinéastes et leur vision de la guerre de libération", Animation : Salim Aggar