Le 69e Festival international du film de Cannes s’est tenu sous haute surveillance pour encadrer l’événement et accueillir quelque 200 000 personnes, dont 4600 accréditées.
La liste des 21 longs métrages en compétition pour la Palme d’or était dominée par 13 films européens, dont 4 français, 4 américains et la présence notable de deux films roumains, Baccalauréat de Cristian Mungiu et Sierra-Nevada de Cristi Puiu. Parmi eux figuraient ceux de nombreux habitués de la Croisette comme Pedro Almodovar, les frères Dardenne, Ken Loach, Jim Jarmusch et Sean Penn de retour avec The Last Face qui met en scène Charlize Theron et Javier Bardem, deux médecins humanitaires travaillant en Afrique. Andrea Arnold avec American Honey et Nicole Garcia avec Mal de pierres étaient les seules femmes cinéastes de la compétition. Forushande (Le Client) de l’Iranien Asghar Farhadi est venu compléter la sélection.
C’est Café Society de Woody Allen, avec Kristen Stewart et Jesse Eisenberg, qui a fait l’ouverture hors compétition. La photographie du film est signée du célèbre chef italien Vittorio Storaro. A compter de cette édition, c’est le film lauréat de la palme d’or qui sera projeté lors de la séance de clôture du Festival.
Le jury de la compétition reine était présidé par le réalisateur australien George Miller, auteur connu notamment de la saga Mad Max (1979-2015). George Miller était entouré dans sa tâche par les actrices Kirsten Dunst (États-Unis), Vanessa Paradis (France) et Valeria Golino (Italie), les acteurs Donald Sutherland (Canada) et Mads Mikkelsen (Danemark), les cinéastes Arnaud Desplechin (France) et László Nemes (Hongrie) ainsi que la productrice Katayoon Shahabi (Iran).
L’un des clous de cette édition de Cannes tenait à la présence de 5 films en sélection officielle dont Amazon, également producteur et diffuseur de contenus, assure la distribution. Produit par Amazon Studios, une des filiales du site de vente par internet, le nouveau long métrage de Woody Allen sera distribué aux États-Unis par Amazon Studios qui s’est engagé dans le financement de Café Society contre l’engagement de Woody Allen à créer sa première série TV sur Amazon. Trois autres longs-métrages, dont le studio a acheté les droits de distribution, étaient en compétition à Cannes. Il s’agit de The Neon Demon de Nicolas Winding Refn, Agassi ("The Handmaiden") de Park Chan-Wook et Paterson de Jim Jarmusch avec Adam Driver et Golshifteh Farahani. Un quatrième, Gimme Danger, le documentaire de Jim Jarmusch sur Iggy Pop, était présenté hors compétition.
Hors compétition et outre Le Bon Gros géant, de Steven Spielberg, d’après le roman pour enfants de Roald Dahl ou encore Money Monster de Jodie Foster avec George Clooney, il fallait noter la présence d’un film documentaire africain, Hissène Habré, une tragédie tchadienne de Mahamat-Saleh Haroun. Chouf (regarde, guette) du Franco-Tunisien Karim Dridi (séance spéciale) nous plonge quant à lui dans le business de la drogue d’un quartier de Marseille.
Projeté en ouverture de la sélection Un certain regard, Eshtebak (Clash) de l’Égyptien Mohamed Diab se déroule dans un fourgon de la police anti-émeute, lors d’une manifestation au Caire, après la destitution du président islamiste Mohamed Morsi en 2013. Dans le fourgon se trouvent réunis des partisans du retour à l’ordre sous l’autorité des militaires et des membres et sympathisants des Frères musulmans. Omor Shakhsiya (Personal Affairs) de Maha Haj (Isr) s’inspire pour sa part de son expérience de Palestinienne résidant en Israël et traite des rapports familiaux confrontés à un climat politique tendu.
Au volet longs métrages et outre des films attendus comme Dog Eat Dog de Paul Schrader et Fai bei sogni (Fais de beaux rêves) de Marco Bellocchio, la Quinzaine des réalisateurs a sélectionné Divines de la Franco-Marocaine Houda Benyamina, sur les pas d’un groupe de filles de cité et de leurs envies de réussite, et Tour de France de Rachid Djaïdani avec Gérard Depardieu, en vieux maçon épris de peinture et prototype du beauf qui vote Front national, et Far Hook (Farouk), un jeune rappeur obligé de quitter précipitamment son quartier et qui fait ici le chauffeur. On pouvait également y voir Neruda que consacre Pablo Larraín au grand poète chilien disparu en 1973.
Au volet courts métrages, il y avait Kindil el-bahr (Méduse) du Franco-Algérien Damien Ounouri, dans lequel il est question de Nfissa, une jeune mère de famille lynchée à mort par un groupe d’hommes, alors qu’elle se baignait seule au large. Mais voilà que peu après, les baigneurs se mettent à mourir.
Sur 1100 longs métrages et 1500 courts métrages visionnés, 7 longs et 10 films courts étaient en compétition à la 55e Semaine internationale de la critique. 8 films longs et courts, présentés hors compétition, complétaient la sélection. Présidé cette année par la réalisatrice et comédienne Valérie Donzelli, le jury était constitué de la Française Alice Winocur, l’Israélienne Nadav Lapid, l’Américain David Robert Mitchell et l’Argentin Santiago Mitre. Ici, la sélection de la Semaine de la critique par Sylvain Tesson, délégué général, où il est notamment question de Mimosas, première fiction du Franco-Espagnol Óliver Laxe, sur les pas de caravaniers dans le Haut-Atlas marocain, et de Tramontane, un premier film du Libanais Vatché Boulghourjian, dans lequel un jeune chanteur aveugle se met en quête de son histoire personnelle au carrefour de celle du Liban actuel.
La traditionnelle leçon de cinéma a été donnée par le réalisateur américain William Friedkin, à qui l’on doit notamment French Connection (1971) et L’Exorciste (1973).
C’est la Japonaise Naomi Kawase qui présidait le jury de la Cinéfondation et des courts métrages. En compétition avec La Forêt de Mogari en 2007 et Futatsume No Mado en 2014, Naomi Kawase fut également membre du jury en 2013. L’an dernier, An (Les Délices de Tokyo) était projeté en ouverture de la sélection Un certain Regard.
Sur 5008 courts métrages reçus et visionnés, 10 films sélectionnés, majoritairement d’Europe et des Amériques, concourraient pour la Palme d’or du court métrage et parmi eux un film africain : La Laine sur le dos du Franco-Tunisien Lofti Achour.
23 films composaient la section Cannes Classics cette années dont on pouvait (re)voir des copies restaurées de Contes de la lune vague après la pluie (Ugetsu monogatari) de Kenji Mizoguchi (Jap, 1953), Masculin féminin de Jean-Luc Godard (Fr, 1966), Un homme et une femme de Claude Lelouch (Fr, 1966), Solaris d’Andreï Tarkovski (URSS, 1972) et Adieu Bonaparte de Youssef Chahine (Fr/Égy, 1984).
L’affiche officielle de Cannes 2016 a été conçue à partir de photogrammes du film Le Mépris de Jean-Luc Godard. On y voit Michel Piccoli grimpant sur le toit de la célèbre villa dessinée par l’écrivain Curzio Malaparte à Capri. L’affiche est signée Hervé Chigioni, directeur du studio de création Lagency, et son graphiste Gilles Frappier.
"À la veille de son 70e anniversaire, pouvait-on lire sur un communiqué du Festival de Cannes, en choisissant de s’afficher sous l’emblème de ce film à la fois palimpseste et manifeste, le Festival renouvelle son engagement fondateur : rendre hommage aux créateurs, célébrer l’histoire du cinéma et accueillir de nouvelles façons de regarder le monde."
– 11 - 22 mai 2016, 69e Festival international du film de Cannes
Le Palmarès :
– Palme d’or : I, Daniel Blake de Ken Loach (G.-B.)
– Grand Prix : Juste la fin du monde de Xavier Dolan (Canada)
– Prix de la mise en scène ex-aeaquo : Baccalauréat de Cristian Mungiu (Roumanie) et Personal Shopper d’Olivier Assayas (France)
– Prix du scénario : Forushande d’Ashgar Farhadi (Iran)
– Prix du jury : American Honey d’Andrea Arnold (Royaume Uni)
– Prix d’interprétation féminine : Jaclyn Jose pour Ma’Rosa de Brillante Mendoza (Philippines)
– Prix d’interprétation masculine : Shahab Hosseini pour Forushande d’Asghar Farhadi (Iran)
– La Caméra d’or (1er film) : Divines de Houda Benyamina (France)
– Palme d’or du court métrage : Timecode de Juanjo Gimenez (Espagne)
– Palme d’honneur : à l’acteur Jean-Pierre Léaud (France)
Le grand prix de la Semaine de la critique a récompensé Mimosas du Franco-Espagnol Óliver Laxe, un road movie hypnotique, baigné de mysticisme soufi, sur les pas de caravaniers dans le Haut-Atlas marocain.
Le prix de la Quinzaine des réalisateurs (section parallèle non compétitive) est allé à L’Effet aquatique de feue la franco-Islandaise Solveig Anspach (disparue en 2015), avec Florence Loiret-Caille et Samir Guesmi. Une mention spéciale a été décernée à Divines, premier long-métrage de la Franco-Marocaine Houda Benyamina.
Le prix Fipresci de la critique internationale à été attribué à Toni Erdmann de l’Allemande Maren Ade (en compétition)
Créé en 2015 à l’initiative de la Scam et destiné à donner davantage de visibilité au cinéma documentaire, l’Œil d’or 2016 a été décerné à Cinema Novo d’Eryk Rocha (90’, 2016), un essai documentaire en forme de déclaration d’amour au "Cinema novo", à travers les paroles des cinéastes de ce mouvement cinématographique brésilien des années 1960 et notamment Ruy Guerra, Glauber Rocha et Nelson Pereira dos Santos. Cinema Novo, qui figurait dans la sélection Cannes Classics, comptait parmi les 17 documentaires visibles à Cannes cette année.
Films en compétition
– Toni Erdmann de Maen Ade (All)
– Julieta de Pedro Almodovar (Esp)
– American Honey d’Andrea Arnold (G.-B.)
– La Fille inconnue des frères Dardenne (Bel)
– Personal Shopper d’Olivier Assayas (Fr)
– Juste la fin du monde de Xavier Dolan(Can)
– Ma Loute de Bruno Dumont (Fr)
– Paterson de Jim Jarmusch (Etats-Unis)
– Rester vertical d’Alain Guiraudie (Fr)
– Aquarius de Kleber Mendonça Filho (Brésil)
– Mal de pierres de Nicole Garcia (Fr)
– I, Daniel Blake de Ken Loach (G.-B.)
– Ma’Rosa de Brillante Mendoza (Phil)
– Baccalauréat de Cristian Mungiu (Roum)
– Loving de Jeff Nichols (USA)
– Agassi de Park Chan-Wook (Corée du Sud)
– The Last Face de Sean Penn (USA)
– Sierra-Nevada de Cristi Puiu (Roum)
– Elle de Paul Verhoeven (All/Fr)
– The Neon Demon de Nicolas Winding Refn (Dan)
– Forushande d’Asghar Farhadi (Iran)
Films Hors compétition
– Film d’ouverture : Café Society de Woody Allen (Etats-Unis)
– Le Bon Gros géant de Steven Spielberg (Etats-Unis)
– Hands of Stone de Jonathan Jakubowicz (Etats-Unis) [Séance spéciale]
– The Nice Guys de Shane Black (Etats-Unis) [Hors compétition]
– Goksung de Na Hong-Jin (Corée du Sud) [Hors compétition]
– Money Monster de Jodie Foster (Etats-Unis) [Hors compétition]
– Gimme Danger de Jim Jarmusch (sur Iggy Pop) (Etats-Unis) [Séance de minuit]
– Bu-San-Haeng de Yeon Sang-ho (Corée du Sud) (Séance de minuit)
– Blood Father de Jean-François Richet (Fr) [Séance de minuit]
– Le Cancre de Paul Vecchiali (Fr) [Séance spéciale]
– La Mort de Louis XIV d’Albert Serra (Esp) [Séance spéciale]
– Hissène Habré, une tragédie tchadienne de Mohamat-Saleh Haroun (Tchad) [Séance spéciale]
– Exil de Rithy Panh (Cambodge) [Séance spéciale]
– L’Ultima Spiaggia de Thanos Anastopoulos et Davide Del Degan (Grèce/Ita) [Séance spéciale]
– Wrong Elements de Jonathan Littell (Etats-Unis) [Séance spéciale)
– La Forêt de Quinconces de Grégoire Leprince-Ringuet (Fr) [Séance spéciale]
– Chouf de Karim Dridi (Fr/Tun) [Séance spéciale]
Un certain regard
– Film d’ouverture : Eshtebak (Clash) de Mohamed Diab (Egy)
– After the storm de Kore-Eda Hirokazu (Jap)
– La Tortue rouge de Michael Dudok De Wit (Pays-Bas)
– La Larga Noche de Francisco Márquez & Andrea Testa (Arg)
– The Transfiguration de Michael O’Shea (Etats-Unis)
– Varoonegi de Behnam Behzadi (Iran)
– Apprentice de Boo Junfeng (Singapour)
– Voir du pays de Delphine Coulin & Muriel Coulin (Fr)
– La Danseuse de Stéphanie Di Giusto (Fr)
– Fuchi Ni Tatsu de Fukada Kôji (Jap)
– Omor Shakhsiya de Maha Haj (Isr)
– Me’ever Laharim Vehagvaot de Eran Kolirin (Isr)
– Caini de Bogdan Mirica (Roum)
– Pericle Il Nero de Stefano Mordini (Ita)
– Captain Fantastic de Matt Ross (Etats-Unis)
– Uchenik de Kirill Serebrennikov (Rus)
– Hell or High Water de David Mackenzie (G.-B.)