Du 4 au 25 juillet, dans un contexte budgétaire difficile, marqué par un manque à gagner dû aux annulations de l’an dernier et une baisse de 5% de la subvention de la ville, le Festival d’Avignon propose une édition raccourcie de deux jours avec une quarantaine de spectacles, dont 26 créations.
Dans un éditorial intitulé "Je suis l’autre", Olivier Py, le directeur du Festival, estime que s’il a fallu "la tragédie du mois de janvier pour que la classe politique convienne que la culture et l’éducation sont l’espoir de la France […], il ne s’agit plus seulement de préserver une part de culture dans la rapacité des temps marchands, mais de faire entrer la culture dans un projet de société qui n’existera pas sans elle".
Olivier Py ouvrira le bal dans la Cour d’honneur du Palais des papes (4-13 juil.) avec sa production du Roi Lear de William Shakespeare et avec Philippe Girard dans le rôle-titre. Un texte qu’il a pris soin de retraduire.
De Shakespeare toujours, alors que le squelette retrouvé en 2014 du "vrai" souverain, "roi sanguinaire", mort à la guerre en 1485, vient tout juste d’être officiellement enterré en Angleterre, on verra le spectacle du même nom Richard III (6-18 juil.) monté cet hiver à Berlin par l’Allemand Thomas Ostermeier avec son acteur fétiche Lars Eidinger. Le Portugais Tiago Rodrigues, aujourd’hui directeur du Théâtre national de Lisbonne, présentera pour sa part Antonio e Cleopatra (12-18 juil.) dont il a resserré l’intrigue et inversé les répliques des deux amants, pour mieux en faire ressortir la violence politique, dira-t-il.
La Cour d’honneur (17-25 juil.) accueillera également Retour à Berratham de Laurent Mauvinier (Ed. de Minuit, 2015), un spectacle chorégraphié par Angelin Preljocaj (qui a lui-même commandé le texte à l’écrivain) avec une scénographie signée Adel Abdessemed. La pièce raconte l’histoire d’un homme qui rentre chez lui après la guerre, pour retrouver un amour de jeunesse. Pour Laurent Mauvignier, Retour à Berratham "porte surtout sur l’après-guerre, comme la guerre vit encore en nous. C’est le rapport entre les hommes et les femmes dans la guerre, un rapport à la violence". Pour les besoins de la scénographie du spectacle, Adel Abdessemed a confié vouloir investir la Cour d’honneur du Palais des papes avec quatre éléments : une grande étoile de fil de fer, une voiture, un grillage évocateur "d’Auschwitz comme de Guantanamo", et une poubelle.
Du 4 au 25 juillet, à raison d’un chapitre chaque jour à midi au jardin Ceccano, sous la conduite de Valérie Dréville, Didier Galas et Grégoire Ingold, des amateurs de tous âges liront La République de Platon, traduite par le philosophe Alain Badiou.
D’Égypte viendra The Last Supper (La Cène) d’Ahmed el Attar (18-24 juil.), un spectacle qui scrute le dîner ordinaire d’une famille cairote influente où la conversation glisse progressivement, libérant la parole, mais aussi l’égoïsme et la superficialité de l’élite économique égyptienne, une bourgeoisie autrefois éclairée. Figure de la scène culturelle indépendante du Caire, l’auteur et metteur en scène Ahmed El Attar est également directeur du Théâtre Falaki, des studios Emad al-Din et du Downtown Contemporary Arts Festival.
Adapté de Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud, dans une mise en scène de Philippe Berling, Meursaults (21-25 juil.) est le soliloque du frère de l’Arabe tué par Meursault dans L’Étranger d’Albert Camus. "Soixante-dix ans après les faits, rage et frustration inentamées, le vieillard rend un nom au mort et donne chair à cette figure niée de la littérature : l’Arabe." Le spectacle joué par le comédien algérien Ahmed Benaïssa sera à l’affiche du théâtre Liberté de Toulon, à l’automne.
Dans le cadre du programme "Ça va le monde !", en collaboration avec RFI, Esperanza [Lampedusa] de Aziz Chouaki fera l’objet d’une lecture publique (19 juil. à 11 h 30, Lycée Saint-Joseph).
– 4 - 25 juillet 2015, 69e Festival d’Avignon
– 50e Festival d’Avignon off
Il sera question d’Algérie dans le Festival off avec El Maestro de Aziz Chouaki, reprise ici avec Mouss dans la mise en scène de l’auteur. On y retrouvera aussi Le Contraire de l’amour, d’après le Journal de Mouloud Feraoun. Il y sera aussi beaucoup question du sort fait aux femmes avec Haine des femmes de Mounya Bediaf, avec Astrid Bayiha et Hammou Graïa, la reprise de A mon âge, je me cache encore pour fumer de Rayhana, Des mots pour se dire, un texte collectif porté par quatre comédiennes, et, avec un parti pris d’humour, Le Frichti de Fatou de Faïza Kaddour et Isabelle 100 visages d’Aurélie Namur qui pose ses pas dans ceux d’Isabelle Eberhardt en Algérie. On pourra en outre y voir Le Voleur d’autobus d’après Ihsan Abdelqoudous, Les Anges meurent de nos blessures d’après Yasmina Khadra, Samy, le Comte de Bouderbala et Délit de fa dièse de Smain Fairouze.
– 4 - 26 juillet 2015, 50e Festival d’Avignon off