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  68e Festival d’Avignon

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La 68e édition du Festival d’Avignon a pris fin avec une fréquentation qui a atteint 90 % (contre 95 % en 2013), un résultat bienvenu au regard des douze représentations annulées durant les journées de grève des 4 et 12 juillet, et deux autres pour cause d’intempéries. Selon le bilan publié le 26 juillet, les pertes s’élèvaient à 300 000 euros. Rappelons que le budget du Festival est de 12 millions et que la partie affectée à la création est "d’un peu moins d’un million", a fait observer Olivier Py, directeur du Festival depuis cette année, avant de préciser, "c’est-à-dire qu’on perd un tiers de cette marge".

Le Festival d’Avignon 2014 s’est ouvert le 4 juillet sur fond de fronde des intermittents et précaires du spectacle, mobilisés contre la nouvelle convention de leur régime d’assurance-chômage qui durcit les conditions d’indemnisation des professionnels du spectacle, en rallongeant le délai de carence entre la fin des périodes travaillées et le versement des allocations. Le 30 juin, le collectif du Festival "in", qui regroupe permanents et intermittents, s’est prononcé à 80 % pour le maintien du festival, avec des actions et des prises de parole. A la suite du syndicat CGT spectacle, qui a appelé à une grève "massive" le 4 juillet, jour d’ouverture d’Avignon, le collectif du Festival "in" a voté à une large majorité pour la grève ce jour-là, provoquant l’annulation du Prince de Hombourg de Kleist, mis en scène par Giorgio Barberio Corsetti dans la cour d’honneur du Palais des papes, et Coup fatal d’Alain Platel dans la cour du lycée Saint-Joseph. Exit donc le projet de retransmission du Prince de Hombourg en direct sur France 2 et sur grand écran dans les rues d’Avignon, au MuCEM de Marseille et dans la Cour carrée du Louvre à Paris.

Après l’annulation du Festival de Montpellier, beaucoup ont longtemps craint celle d’Avignon, comme ce fut le cas en 2003 lorsque les intermittents et précaires avaient empêché sa tenue pour lutter contre une réforme durcissant l’accès à leur régime spécifique d’assurance-chômage. L’annulation eut un coût économique très élevé, au moins 25 millions d’euros. "Depuis, rappelle opportunément l’écrivain, acteur et metteur en scène Olivier Py, dont c’est la première édition en tant que directeur du Festival, on ne peut plus ignorer que la culture est un acteur économique majeur". Il y a dix ans, le nouvel accord conclu dans la foulée renforça paradoxalement la précarité des intermittents. Ils restent 105 000 aujourd’hui, alors que les subventions de l’État chutent et que les collectivités territoriales réduisent leurs financements.

Avignon 2014 avait déjà connu, en mars, la menace d’une élection d’un maire Front national. Olivier Py avait alors avancé l’hypothèse d’une délocalisation et déclaré son refus de collaborer avec un maire Front national en cas de victoire de celui-ci aux élections municipales. Tout en invitant à un sursaut des électeurs lors du second tour du scrutin, il n’a cessé d’expliquer, "que le Front national ne peut pas gagner dans une ville qui est tout le contraire de l’esprit du Front national. D’abord c’est une ville de culture, de culture ouverte. C’est une ville profondément internationale, multiculturelle. Elle a toujours été à la fois l’Italie, l’Espagne, le Maghreb. Toute la Méditerranée est réunie là et je ne peux pas penser que cette ville, un jour, soit sous l’égide du Front national". Son message avait été entendu.

"Tout ce qui nous dépasse"… C’est l’intitulé de cette édition d’Avignon 2014, en forme de manifeste. "Tout ce qui nous dépasse, nous rassemble", écrivait Olivier Py qui a pris soin d’ajouter "Notre unité est dans notre espoir".

Avec 90.000 habitants et entre un million et un million et demi de visiteurs durant le Festival, Avignon est pendant un mois la grande messe mondiale du théâtre, avec également au programme de la musique et de la danse. Le Festival "in" s’est tenu du 4 au 27 juillet, coïncidant ainsi, à nouveau, avec le "off". Le programme comptait 36 propositions issues de 17 pays, du Japon à l’Égypte, dont 21 créations. 25 artistes invités -les deux tiers- sont des nouveaux venus au festival. Parmi eux, onze artistes ont moins de 35 ans, à l’image de Thomas Jolly, qui a monté à 32 ans un monumental Henri VI de Shakespeare en dix-huit heures de représentation en continu. Le Festival d’Avignon est coutumier de ces représentations "marathon", depuis le Mahabharata de Peter Brook en 1985 (9 heures) et la Servante d’Olivier Py par lui-même en 1995 (24 heures) qui détient le record.

Le Festival devait donc s’ouvrir dans la Cour d’honneur du palais des Papes avec Le Prince de Hombourg de Heinrich von Kleist, en hommage à Jean Vilar, fondateur du Festival, qui a créé la pièce en 1951 avec Gérard Philipe. Le Prince de Hombourg n’a pas été rejoué à Avignon depuis. Elle est mise en scène par l’Italien Georgio Barberio Corsetti avec des acteurs français. Cette année, un autre Mahabharata a été donné, en un seul épisode de 1 h 45, par le Japonais Satoshi Miyagi qui utilise les codes du kabuki, avec un conteur et 25 acteurs.

La présence grecque a été le fil rouge de cette édition qui totalisait quelque 300 représentations. Dans un axe nord-sud qui lorgne vers la Méditerranée, l’Afrique et le Proche-Orient, on pouvait y voir Même les chevaliers tombent dans l’oubli du Togolais Gustave Akakpo mis en scène par le Français Mathieu Roy, Coup fatal imaginé par les Belges Alain Platel (chorégraphe et metteur en scène), Fabrizio Cassol (compositeur et saxophoniste) et le jeune contre-ténor congolais Serge Kakudji, et enfin At the same time we were pointing a finger at you… de la chorégraphe Sud-Africaine Robyn Orlin.

Avec Haeeshek… (Je te (sur)vivrai…) de la troupe El Warsha du Caire dirigée par Hassan El Geretly, Archive du chorégraphe israélien Arkadi Zaides et le programme de musique Cinq chants initié par la Fondation Royaumont, Avignon 2014 a aussi vécu à l’heure du Proche-Orient. Cinq chants est un bouquet d’autant de créations autour de l’idée que le vaste système modal des maqams arabo-turcs et persans est mixable avec les esthétiques occidentales. Cinq chants comprenait Oración, Sleep Song, Interzone Extended, Wasl et AlefBa qui réunit une pléiade de musiciens, chanteurs et auteurs du monde arabe, d’Europe et des Etats-Unis.

Le Festival d’Avignon "off" a, pour sa part passé le cap des 1300 spectacles présentés, avec comme chaque année un bon nombre de textes en relation avec l’Algérie. Cette année, outre Le Poète comme un boxeur, adapté d’une somme d’entretiens avec Kateb Yacine (Seuil, 1994), A la table de l’éternité de Mohamed Kacimi et L’Etranger d’Albert Camus, on pouvait également y voir Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ? de Georges Perec, Élise ou la vraie vie de Claire Etcherelli, Une valse algérienne d’Elie-Georges Berreby et Je n’avais jamais vu la mer de Pierre-Philippe Devaux, tous sur fond de guerre d’Algérie. Nous avons aussi relevé un Roméo et Juliette de Shakespeare, transposé dans l’Algérie des années 50 et dans lequel Roméo est algérien, Juliette est française, les Montaigu sont musulmans et les Capulet catholiques.



 4 - 27 juillet 2014, 68e Festival d’Avignon

 


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