Hospitalisé durant plusieurs semaines pour une insuffisance cardiaque héritée d’un double infarctus en 1996, Abdel Hafed Benotman est décédé le 20 février 2015 à Paris. Passé à de nombreuses reprises par la case prison, il s’est surtout fait connaître comme auteur de nouvelles et de romans noirs. Il était âgé de 54 ans.
Né en 1960 à Paris, de parents algériens, il est arrêté à 16 ans pour "vol avec violences" et connaît son premier séjour en prison, qu’il effectue dans un centre pour mineurs de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. Son père lui avait prédit, "au pire ? Tu finiras éboueur. Au mieux ? Sur l’échafaud". Si Abdel Hafed Benotman échappe à l’un comme à l’autre, c’est pour lui le début d’un engrenage qui va l’amener à "une délinquance de plus en plus suicidaire". Cette entrée difficile dans la vie fera la matière d’Éboueur sur échafaud (2003).
En 1979, il commet un premier braquage à main armée. De sorties en nouvelles incarcérations, et de cavales en centrales comme à Clairvaux, Abdel Hafed Benotman cumulera près de dix-sept années de détention. En prison, il va lire beaucoup et réalise l’importance de l’écriture à laquelle il va s’accrocher comme à une bouée de sauvetage. Auteur de nouvelles et de romans noirs, il a également écrit de la poésie, des chansons et du théâtre, tout en animant des ateliers d’écriture et des ateliers théâtre avec des populations diverses.
Comédien au théâtre, Abdel Hafed Benotman a aussi joué dans des films pour le cinéma et la télévision, comme Carrément à l’ouest de Jacques Doillon ou la série policière Central nuit. Outre un prix du meilleur scénario en 2010 pour l’une de ses nouvelles, Le Maître des mots, il fut coscénariste de Sur la planche de Leila Kilani (2011), film sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes, et plus récemment de Fièvres de Hicham Ayouch (2013).
Abdel Hafed Benotman doit à sa bonne étoile de lui avoir fait croiser la route de Virginie Lou qui animait des ateliers d’écriture en prison. Grâce à elle, ses premières nouvelles parviennent à Claude Franqueville qui les publie en 1993 aux éditions Clô, sous le titre Les Forcenés. Six ans plus tard, c’est l’écrivain britannique Robin Cook, figure prestigieuse du polar anglais contemporain et fou du livre, qui en parle à François Guérif, son éditeur chez Rivages. Ce dernier décide de le réimprimer. Dans sa préface à la nouvelle édition (2000), Robin Cook écrit : "Si je devais définir le travail de cet écrivain, je dirais que c’est son cœur qu’il arrache devant nous et pose, encore battant, sur la table."
Sans papiers depuis 1994 avec l’application de la loi Pasqua sur la nationalité et la double peine, puis d’un arrêté ministériel d’expulsion de 1996, Abdel Hafed Benotman était toujours sous la potentielle menace d’une expulsion. Durant les dix dernières années, il donnait un coup de main au restaurant que dirigeait sa compagne gabonaise Francine, rencontrée et épousée en 2005 à la prison de Fresnes.
– 19 octobre 2015, Soirée en hommage à Abdel Hafed Benotman : projections inédites et lectures de scénarios, Paris / Cinéma La Clef
– 19 septembre 2015, Hommage à Abdel Hafed Benotman, Ivry-sur-Seine / Parc des Cormailles / Festival En Première Ligne 2015
Bibliographie :
– Garde à vie (roman jeunesse)
(Paris, Syros - Rat Noir, 2011)
– L’Œil à clef (poésie)
(Pezenas, Domens, 2010)
– Marche de nuit sans lune
(Paris, Payot, coll. Rivages/Noir, 2008)
– Les Poteaux de torture (nouvelles)
(Payot, coll. Rivages/Noir, 2006)
– Le Philotoon’s. Brèves de parloir
Illustrations d’Asdrubal
(Montreuil, L’Insomniaque, 2006)
– Éboueur sur échafaud
(Payot, Ecrits Noirs/Rivages, 2003, 2009)
– La Joue du roi suivi de Vomitif (théâtre)
(Montreuil, L’Insomniaque, 2001)
– Les Forcenés (nouvelles)
(Payot, Rivages/Noir, 2000)
(Saint-Bresson, Clô, 1993)
– Entretien avec Abdel Hafed Benotman : "Prison et écriture : haute surveillance" ("Mouvements", 2010)
– Entretien avec Abdel Hafed Benotman : "Une vie contre les barreaux" ("Article 11", 2008)