Dans la veine de son spectacle Tous les Algériens sont des mécaniciens, Fellag s’est attelé à un roman-album des années 1980, symbole d’une période charnière, d’une fin d’époque et de siècle, aux antipodes du déchainement de violence de la décennie suivante. Avec la chute des prix du pétrole en 1986 et plus encore au tournant 88, - le livre s’ouvre sur cette année-là -, l’Algérie découvrait la crise et son corollaire habituel au plan social : la débrouille. Nous étions alors loin du parc automobile rutilant d’aujourd’hui et pour la plupart dépendants de l’hypothétique "bon" Sonacome qui valait récépissé pour une Zastava ou une Ritmo importées au compte-gouttes par l’Etat.
Au rayon voiture donc, tout comme l’auteur de ces lignes, Fellag possédait une R4 ou 4L qui compte aujourd’hui encore de nombreux aficionados. Ce qui lui a inspiré cette boutade dans l’un de ses tout premiers spectacles, sur la floraison de partis politiques en Algérie : "échange parti socialiste + R4 74, en bon état, contre un logement !".
Si elle distinguait d’abord son heureux propriétaire du simple piéton, la 4L était surtout la voie royale pour pénétrer les arcanes de la mécanique. Car, pour faire face à la pénurie chronique de pièces sur le marché, il fallait régulièrement soulever son capot et ferrailler contre la mauvaise fortune. Et souvent demander de l’aide pour la démarrer en poussant. Sans compter que pour draguer les filles, la 4L n’a jamais vraiment fait recette.
Sur ce fond de décor et d’époque, Fellag brosse l’histoire colorée de Youcef, de ses tribulations et déboires pour maintenir Zoubida, sa précieuse 4L, en état de marche, à commencer par les sempiternelles défections de la batterie (de production nationale) Sonelec. Ajoutez à cela les histoires d’une myriade de compagnons rencontrés au bar ou montés à bord, les routes arpentées à la recherche de providentielles pièces détachées, les tentatives improbables d’attirer l’attention de la gent féminine et le "Concerto d’Aranjuez" diffusé en boucle jusqu’à la mort (de la K7), cela donne Le mécano du vendredi, une chronique douce-amère en forme d’album-souvenir, rehaussée par les dessins délicatement passés de Jacques Ferrandez.
Aucune
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