Quelque part en Algérie, au cœur d’une cité populaire inaugurée en grande pompe, une placette non aménagée connaît une occupation chaotique qui va diviser les habitants. Dans ce modèle réduit d’une société qui cherche ses marques, chacun va y aller de son projet où il est question, pêle-mêle, de transformer la place en terrain de jeux, en espace vert, en mosquée ou encore en centre commercial. Pendant ce temps, une jeunesse en friche tente par tous les moyens d’exister, de se projeter et de donner corps à sa quête d’une vie meilleure, de l’amour et, pourquoi pas, de nouveaux horizons.
Dans ce film chanté et dansé, la plupart des scènes gravitent autour d’une plateforme principale et d’un échafaudage avec des intermèdes qui laissent du champ au réel de la cité. Porté principalement par un collectif de douze garçons et filles enjoués, Essaha/La Place est entreprenant, pétillant, culotté. En forme de comédie musicale qui fait un clin d’œil tout à la fois à West Side Story, à la culture hip-hop, à celle du vidéoclip, au kitch des comédies musicales égyptiennes ou indiennes, le tout sur une B.O. qui oscille entre répertoires néo-traditionnels, sons contemporains et variété, le film de Dahmane Ouzid doit beaucoup au scénario et aux chansons, signés Salim Aïssa, qui conservent au film sa continuité et sa cohésion. Mais si on se laisse entrainer et séduire par l’énergie du film, sa liberté de ton et son pari affiché d’offrir un espace, de rendre la parole et d’interroger les repères d’une jeunesse décomplexée, pleine de talent et de ressources et aussi de contradictions et de doutes, Essaha/La Place n’évite pas le fourre-tout et peut paraître parfois moralisateur. Il est aussi beaucoup trop long et peine à faire oublier le format de série TV dont il a été tiré (l’ENTV est le producteur principal du film) pour atteindre au spectacle enlevé et accompli.
Le film a été tourné en 2009, c’est-à-dire avant le vent de révoltes de 2011 dans le monde arabe. On le doit à Dahmane Ouzid qui rappelle que le scénario du projet est né au lendemain des émeutes durement réprimées d’octobre 1988 à Alger. Né en 1950 à Tizi Ouzou, Dahmane Ouzid a vécu en France jusqu’en 1966, date à laquelle il retourne en Algérie. Formé au V.G.I.K. de Moscou, il fait ses classes au sein de l’Office public du cinéma ONCIC où il est assistant-réalisateur sur des longs métrages d’Ahmed Rachedi, de Mohamed Slim Riad et de Merzak Allouache. Durant cette période, il se fait remarquer avec deux courts-métrages : Bon voyage, bonnes vacances (Doc., 1977) et La Berceuse (Fict., 1982) qui fait partie de Faits-divers un film collectif d’après des nouvelles de Zhor Zerari. On lui doit en outre El Ghayeb (2002) et El Aaouda (2006), deux feuilletons pour la télévision.
Aucune
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