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  Même pour ne pas vaincre de Stéphane Chaumet

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Le spectacle s’ouvre sur le suicide de Jean Machet. Celui-ci laisse une lettre aux siens où il est question de Sania dont ils n’ont jamais entendu parler. Ce prénom, qui les intrigue, va servir de fil d’Ariane au bout duquel s’invite un passé lourd de silences et de non-dits, celui de la guerre d’Algérie. Sandra, la fille de Jean, et son cousin, qui veut lui venir en aide, se mettent en quête de Sania. C’est alors que nous faisons la connaissance de Philippe Bougeard, un vieil appelé et compagnon d’armes de Jean en Algérie, qui s’est réfugié dans le vin et la solitude. D’abord peu loquace, il finit par se livrer entre aveux désabusés et accès de rage et de fureur.

Il y a ensuite Karim, l’amant de Sandra. C’est un jeune avocat en pleine ascension. Très investi dans le dossier sur le massacre du 17 octobre 1961 à Paris, il est accablé de culpabilité lorsqu’il découvre, dans une photographie archivée, que son père a été un supplétif de la police française quand elle traquait le FLN à Paris et que des harkis torturaient les militants indépendantistes.

Puis voilà qu’apparaît Omar, alors jeune apprenti boulanger, raflé comme de nombreux Algériens durant l’hiver 1961. D’une voix encore chargée mais sans haine, il fait le récit de son interrogatoire et des séances de torture dans une cave du 18e arrondissement, avant d’être emmené puis jeté encore ligoté dans la Seine.

Quant à Karim, lorsqu’il trouve l’énergie d’interroger son père sur son passé inavoué de tortionnaire de militants algériens, il reçoit pour toute réponse l’histoire du grand-père mutilé dans le djebel, par ses compagnons maquisards, pour avoir simplement été surpris en train de fumer une cigarette alors que le tabac, comme l’alcool, étaient proscrits par les "frères".

Dans ce spectacle adapté du roman homonyme de Christophe Chaumet, plusieurs histoires s’enchâssent, s’enchainent et courent sur l’arête de la douleur avant de rejoindre le cours de la grande histoire. Chacune donne à voir une humanité blessée et des personnages en mal de repères qui peinent à trouver la paix. Elles disent toutes l’urgence qu’il y a à encourager ce travail de mémoire sur "un passé qui ne passe pas".

La mise en scène d’Elodie Chanut orchestre ces situations, leurs faisceaux de correspondances et fait circuler la parole des protagonistes avec tact et intelligence du cœur. Des trouvailles de scénographie, comme ces paravents qui s’éclairent pour atteindre la part d’ombre des personnages, achèvent de ménager des passerelles entre passé et présent, entre individus et communautés pris dans l’engrenage de la guerre et entre générations. A l’évidence la comédienne qu’elle fut, avant de passer à la mise en scène, aime et honore ses acteurs qui jouent sa partition avec subtilité et conviction.

Même pour ne pas vaincre a été créé au Théâtre de la Forge à Nanterre, une ville chargée d’histoire pour les descendants d’immigrés algériens, au moment où l’on commémore le 50e anniversaire de la fin de la guerre et l’indépendance de l’Algérie et que François Hollande reconnaît le massacre du 17 octobre 1961 à Paris.


Teaser > Même pour ne pas vaincre, d’après Stéphane Chaumet, m. en sc. d’Elodie Chanut


 23 octobre - 4 novembre 2012, Nanterre / Théâtre de la Forge
 22 juin 2012, Lecture, Nanterre / Théâtre de la Forge


Même pour ne pas vaincre
adapté du roman de Stéphane Chaumet
Mise en scène d’Elodie Chanut
avec Denis Eyriey, Hammou Graïa, Tewfik Jellab, Daniel Martin, Clémentine Mazzoni
Par la compagnie L’Œil des Cariatides


Même pour ne pas vaincre de Stéphane Chaumet
(Paris, Le Seuil, 2011)

 


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