Le photographe, résistant et anticolonialiste Adolfo Kaminsky est mort le 9 janvier à l’âge de 97 ans
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De la résistance dans la France occupée à l’aide apportée, tour à tour, à l’émigration clandestine des rescapés des camps à la veille de la création d’Israël, au FLN algérien, aux mouvements révolutionnaires d’Amérique du Sud, aux guerres de décolonisation en Afrique, à l’opposition aux dictatures d’Espagne, du Portugal et de la Grèce des colonels, Adolfo Kaminsky fut "faussaire, résistant, héro, traitre, agent secret, hors-la-loi ou moudjaïd", selon les points de vue.
La biographie que lui a consacré sa fille Sarah démarre durant l’hiver 1943-44 à Paris. Né au sein d’une famille juive russe venue d’Argentine, un temps apprenti chez un teinturier auprès duquel il acquiert ses premières notions de chimie, le jeune Adolfo n’a que 17 ans lorsqu’il devient peu à peu la cheville ouvrière d’un laboratoire clandestin de faux-papiers. "J’avais trouvé le moyen de produire une telle quantité de faux documents, se souvient-il, que, très vite, toute la zone nord, jusqu’à la Belgique et aux Pays-Bas, en fut inondée. Quiconque cherchait des faux papiers en France savait qu’en établissant un contact avec n’importe quelle branche de la Résistance, il les obtiendrait spontanément." Qu’il s’agisse de faux papiers d’identité, de cartes d’alimentation, de reproduire un tampon administratif, d’imiter un passeport à l’identique et d’inventer toute une vie en rapport, l’habileté d’Adolfo Kaminsky est telle qu’il parviendra même à imiter le passeport suisse réputé infalsifiable.
Durant cette période où il perd sa mère, "tombée" d’un train en 1941, il est déporté avec le reste de sa famille en 1943 à Drancy, avant d’être libéré grâce au consulat d’Argentine. Devenu faussaire à plein temps par la force des choses, il lui est rapidement devenu impérieux de "rester éveillé. Le plus longtemps possible. Lutter contre le sommeil. Le calcul est simple. En une heure, je fabrique trente faux papiers. Si je dors une heure, trente personnes mourront..." À cette époque, il ne sait pas encore que sa vie de faussaire va lui prendre quelque trente ans de bons et loyaux services jamais rétribués.
Dans le Paris de 1957, où les témoignages et les prises de positions se multiplient pour dénoncer les méthodes de l’armée française en Algérie et l’usage de la torture, Adolfo Kaminsky fait la connaissance du journaliste Georges Arnaud, du dramaturge Arthur Adamov et de la documentariste et rescapée de Birkenau Marceline Loridan, tous inquiets des "évènements d’Algérie" sur fond de "suicide" de l’avocat Ali Boumendjel et de "disparition" du mathématicien Maurice Audin à Alger. Pour l’ancien résistant qui précise n’avoir pas milité "contre la France, mais contre la torture", "les victimes avaient changé, mais les méthodes étaient les mêmes". Il va ensuite faire la rencontre du philosophe Francis Jeanson et rejoindre le réseau de soutien au FLN algérien mis en place par ce dernier. C’est dans ce cadre qu’il fera également la connaissance du comédien Jacques Charby, du militant Henri Curiel, du journaliste Georges Mattéi et de l’avocat Roland Dumas.
En 1961, alors que l’étau policier se resserre et que Henri Curiel prend le relai à Paris, beaucoup de membre du réseau rallient Bruxelles devenue une plaque tournante pour les passages de frontières et où Adolfo Kaminsky poursuit son activité de faussaire doublé d’une nouvelle mission : inonder la France de fausse monnaie pour déstabiliser l’économie du pays. La proclamation du cessez-le-feu de mars 1962 l’amènera à brûler toute sa production, jamais mise en circulation.
Actif en tant que faussaire jusqu’en 1971, il s’éclipse ensuite une décennie en Algérie où il se marie avant de retourner en France avec sa famille. A 97 ans et toujours attaché à ses convictions humanistes, pacifistes et internationalistes, Adolfo Kaminsky, qui a conservé un casier judiciaire vierge et n’a appartenu à aucun parti, est surtout resté fidèle au rêve de liberté et de fraternité formé au cœur du XXe siècle.
Adolfo Kaminsky, une vie de faussaire de Sarah Kaminsky, un livre édifiant et passionnant d’un bout à l’autre.
Après une présentation de l’ouvrage à Mont de Marsan et un atelier d’écriture à Bougue, tous deux animés par Sarah Kaminsky en novembre 2010, rendez-vous a été pris à l’initiative du Théâtre Label Étoile et de la compagnie Jean-Claude Falet pour voir monter une adaptation théâtrale du texte en 2012.
Intitulée "Adolfo Kaminsky, un homme libre", une exposition de quelques 100 photographies inédites en noir et blanc, prises à partir de 1944, invitait à découvrir l’itinéraire hors du commun d’un humaniste, résistant, faussaire et photographe, un homme de l’ombre qui a toujours cultivé la discrétion. (Jusqu’au 17 février 2013 à Fontenay sous Bois)
Adolfo Kaminsky est en outre le père d’Atahualpa et de José Youcef Lamine plus connu sous le nom de Rocé, un rappeur français né à Alger.
> The Forger (Le Faussaire, 16 min., The New York Times, 2016)
– 22 février 2013, Capbreton / Salle du Ph’art du Casino municipal
– 4 mai 2012 à 14h30 (scolaires) et 21h (tous publics), Morcenx / Salle du Maroc
– 16 mars 2012, Bougue / Salle des fêtes, 40090 Bougue
– 17 février 2012 à 10h et 14 h15 (Scolaires) et 20h30 (tous publics), 18/02 à 20h30 (Tous publics), Léon / Centre Culturel, 40 550 Léon
– 7 - 8 février 2012, création, St Pierre du Mont / Pôle culturel du Marsan, 190, avenue Camille Claudel, 40280 St Pierre du Mont, Tel. : 05 58 03 72 10
* La Ligne de Sarah Kaminsky
D’après Adopho Kaminsky, une vie de faussaire de Sarah Kaminsky
Mise en scène : Jean Claude Falet
Avec Sarah Kaminsky, Jean Claude Falet, Mathieu Boulet
Par le Théâtre Label Étoile
–Adolfo Kaminsky, une vie de faussaire
de Sarah Kaminsky
(Paris, Calmann-Lévy, 2009)
Faux et Usage de faux : l’histoire vécue dans l’ombre (1942-1982)
un film de Jacques Falck
(Doc., 52’, Fr, 1999)
Auteurs : Jacques Falck, Jérôme Neutres
Production : Les Films d’Ici
Aucune
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