Qui connaît Émilie Busquant, la compagne de Messali Hadj, le père du nationalisme algérien, celle qui aurait cousu le premier drapeau algérien et qui a soutenu, toute sa vie durant, la lutte du peuple algérien pour son indépendance ? C’est la question que posait La Parfumeuse, la vie occulte de Madame Messali Hadj, le roman de Mohamed Benchicou paru en 2012. Emilie Busquant, une passion algérienne, le portrait documentaire que lui consacre Rabah Zanoun, revient sur cette femme au destin exceptionnel et sur son itinéraire de femme de conviction. Tourné en compagnie de Djanina Messali-Benkelfat, fille du couple, le film interroge les historiens Benjamin Stora, Mohammed Harbi, Alain Ruscio et le journaliste et écrivain Mohamed Benchicou.
Née en 1901 en Lorraine, fille d’un mineur anarcho-syndicaliste, Émilie Busquant travaillera comme vendeuse au rayon "Parfumerie et objets pour dames" aux Magasins réunis, l’une des plus vieilles enseignes parisiennes. En octobre 1923, elle fait la rencontre d’un jeune Algérien de 24 ans fraîchement arrivé de Tlemcen : Messali Hadj. Émilie Busquant participera à ses côtés à la création, en 1926 à Paris, de l’Etoile nord-africaine (ENA), le premier mouvement nationaliste à revendiquer l’indépendance de l’Algérie alors colonie française depuis 1830. Dans son roman, La Parfumeuse, Mohamed Benchicou rappelle qu’Émilie Busquant "rédigera avec son mari le Mémoire de l’Etoile destiné à la Société des nations en janvier 1930, qu’elle participera à de nombreuses manifestations en Algérie et en France et organisera la défense de Messali Hadj pour ses nombreux procès en 1934, en 1937, en 1939 ou en 1941".
Jusqu’à sa mort en octobre 1953, Émilie Busquant restera fidèle à ses engagements pour l’indépendance des Algériens. Un an avant sa disparition, dans l’une de ses lettres à Messali Hadj alors placé en résidence surveillée à Niort, elle écrit ces mots prémonitoires : "Bon Dieu, pourquoi suis-je vieille et malade. Je voudrais pouvoir faire entendre les gémissements de toute une race qui ne veut pas mourir et qui ne mourra pas malgré toutes les souffrances qu’elle supporte pour le plus grand profit de quelques-uns. C’est une honte. Maintenant le peuple français sait ce qui se passe ici et s’y intéresse. Peut-être que la solidarité fera plus qu’autre chose, mais c’est une honte pour la France. Jamais, au grand jamais, de pareils faits ne s’oublieront. Je ne veux pas mourir avant de voir l’indépendance de l’Algérie. Car, bon gré, mal gré, cela est inévitable."
Le film de Rabah Zanoun se termine sur ces mots d’Emilie Busquant qui résument tout l’esprit de son engagement militant d’une vie : "Dans mon cœur de Française, il n’y a pas de frontière dans la lutte pour la liberté".
– 9 octobre 2015, Festival du film arabe de Fameck Val de Fensch
– 1re diff TV. : 24 janvier 2015 à 15 h 20 sur France 3 Lorraine, 26 janvier à 23 h 45 sur France 3
Emilie Busquant, une passion algérienne
Un film de Rabah Zanoun
(Doc., 50 min., Fr, 2014)
Lire :
– La Parfumeuse, la vie occulte de Madame Messali Hadj de Mohamed Benchicou (Alger, Koukou, 2012) (Europe et Canada, éd. Riveneuve)
– Messali Hadj, pionnier du nationalisme algérien (1898-1974) de Benjamin Stora (Paris, Le Sycomore, 1982)