Hospitalisé à partir du 21 décembre 2006, à la suite d’une attaque cardiaque survenue à l’aéroport d’Alger alors qu’ils s’apprêtait à faire un voyage, Mostefa Lacheraf est décédé le 13 janvier au CNMS de Ben Aknoun. L’Algérie perdait en lui une figure de l’intellectuel militant qui a régulièrement pris parti sur des questions brûlantes de l’Algérie contemporaine, comme le rappelle l’historien Daho Djerbal, "des questions de culture, d’histoire, d’éducation. A chaque fois, ses prises de position lui ont valu des déboires, des déconvenues, de la censure, une répression, des invectives, des attaques personnelles et parfois même des menaces."
Intellectuel et homme politique, journaliste, diplomate, chercheur et écrivain, Mostefa Lacheraf n’a jamais cessé pendant soixante ans de se signaler par des articles et des prises de position dans la presse écrite. Plus récemment, au cœur de la décennie 90, il s’était attelé à rédiger ses mémoires. Dans un premier volume intitulé Des noms et des lieux, il pointait les errements des dirigeants en matière d’éducation et fustigeait la diffusion d’une sous culture indigente marquée selon lui par l’ignorance et la négation de la personnalité algérienne.
A travers l’héritage familial, les différentes escales et les souvenirs de l’auteur, celui-ci prenait la défense du patrimoine algérien, convoquant le terroir et l’histoire d’un vieux pays et réveillait le "paysage sensible de la mémoire".
Né en 1917 à El Karma, Mostefa Lacheraf a grandi à Sidi Aïssa. Après le secondaire et des études arabes classiques et modernes à la Medersa Thaâlibiyya à Alger, puis à la Sorbonne à Paris, il est nommé professeur de lycée à Mostaganem puis au lycée Louis-le-Grand à Paris.
Dès 1939, Mostefa Lacheraf adhère au Parti du peuple algérien (PPA), puis au Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), dont il anime la presse. Membre du Front de libération nationale (FLN) à sa création, il figure parmi les cinq dirigeants arrêtés en octobre 1956, lors du détournement par les autorités françaises de l’avion qui les menait de Rabat à Tunis.
A sa libération, il collabore à l’élaboration de la Charte de Tripoli, assure un temps la rédaction en chef du journal El-Moudjahid, avant de mener, en compagnie notamment de Kateb Yacine, la délégation algérienne au Congrès des écrivains d’Afrique et d’Asie, qui se tient au Caire. Il publie alors des études dans différentes revues, dont L’Afrique littéraire, Les Cahiers du Sud et Esprit.
Après le coup d’État de juin 1965, il est tour à tour membre du Conseil national de la révolution algérienne, ambassadeur en Argentine à partir de 1966, conseiller à la Présidence pour les problèmes d’éducation et de culture, puis de nouveau ambassadeur en Amérique latine. Il collabore à la rédaction de la Charte nationale en 1975-76, est nommé ministre de l’Éducation nationale dans le dernier gouvernement sous Boumediène en avril 1977. De nouveau diplomate au Mexique en septembre 1979, il est ensuite délégué permanent de l’Algérie auprès de l’Unesco à Paris, chef de mission à l’ambassade d’Algérie à Lima au Pérou, de janvier 1984 à septembre 1986, avant de prendre sa retraite cette année-là.
– 2 novembre 2014, "Hommage à Mostefa Lacheraf", 19e Salon international du livre d’Alger / Pins maritimes
– 14 - 16 octobre 2014, colloque national Mostefa Lacheraf, Médéa / Université Yahia-Farès
Bibliographie sélective :
– Mostefa Lacheraf, Une œuvre, un itinéraire, une référence
Actes du colloque "Mostefa Lacheraf : L’Algérie 50 ans après. Nation, société, culture", 18 - 20 décembre 2004
Coordination et présentation de Omar Lardjane
(Alger, Casbah, 2006)
– Les ruptures et l’oubli. Essai d’interprétation des idéologies tardives de régression en Algérie
(Alger, Casbah, 2004)
– Des noms et des lieux, Mémoires d’une Algérie oubliée
(Alger, Casbah Éditions, 1998)
(Edition revue et augmentée, Alger, Casbah, 2005)
– Littérature de combat. Essais d’introduction : étude et préfaces
(Alger, Bouchène, 1991)
– Algérie et Tiers-Monde. Agressions, résistances et solidarités internationales
(Bouchène, 1989)
– Écrits didactiques sur la culture, l’histoire et la société
(Alger, En.AP., 1988)
– Algérie et Tiers-Monde
(Alger, Enal, 1982)
(Rééd., Bouchène, 1989)
– Algérie, nation et société
(Paris, Maspero, 1965)
(Alger, Sned, 1978)
– Chansons de jeunes filles arabes
(Paris, Seghers, 1954)
– Poèmes in Départ
(Béziers, Sodiep, 1952)