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Les Artistes internationaux et la révolution algérienne |
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Durant l’automne 1964 à la salle Ibn Khaldoun (ex-Pierre Bordes) à Alger, une exposition intitulée "l’Art et la révolution algérienne" donnait à découvrir des œuvres de 86 artistes de 26 nations, offertes à l’Algérie indépendante. Après l’exposition, le fonds fut déposé au Musée national des Beaux-Arts d’Alger.
Quarante quatre ans après la donation, qui fut aussi faite en prévision de l’ouverture d’un musée d’art moderne à Alger, voilà qu’une exposition du nouveau Musée d’art moderne et contemporain (Mama) a enfin pu accueillir nombre de ces travaux, mais aussi ceux d’autres artistes algériens et internationaux en résonance avec l’Algérie insurgée. Le commissariat en a été confié à l’historienne Anissa Bouayed.
A sa parution, La Question d’Henri Alleg a notamment inspiré l’œuvre du même nom de Roberto Matta qui réalisera également Le Supplice de Djamila en 1961. Dans sa préface à L’Art et l’Algérie insurgée d’Anissa Bouayed, Henri Alleg écrit : "Des peintres algériens et étrangers, bouleversés par ce qu’ils savaient ou devinaient ont, dans le sillage de Goya, traduit sur la toile leur indignation devant les horreurs de la guerre et leur solidarité avec les combattants de l’indépendance et de la liberté". Et ces artistes internationaux furent nombreux à l’instar de Picasso, Wifredo Lam (1902-1982), André Masson (1896-1987) ou Ahmed Cherkaoui (1934-1967), pour ne citer qu’eux.
Deux ans avant le déclenchement de la guerre d’indépendance, le peintre et ancien déporté à Buchenwald Boris Taslitzky (1911-2005) est envoyé "en reportage" en Algérie, séjour dont il ramènera des carnets de dessins qui seront exposés avec les travaux de Mireille Miailhe, jeune peintre et militante communiste comme lui. Mais cette exposition "Algérie 1952" souffrira de la condamnation, dès l’année suivante par Louis Aragon, de l’esthétique officielle du PCF plus connue sous le nom de "réalisme socialiste". Boris Taslitzky se serait à nouveau rendu en Algérie en 1955.
Entre décembre 1954 et février 1955, c’est Picasso, dont on connaît les revisitations de tableaux d’illustres prédécesseurs, qui s’attelle au célèbre Femmes d’Alger dans leur appartement de Delacroix. Début 1962, Picasso fera en outre le portrait de Djamila Boupacha pour alerter l’opinion publique et contribuer à la sauver de la guillotine. Son dessin au fusain paraît à la une de l’hebdomadaire culturel du Parti communiste, Les Lettres françaises du 8 février 1962, et en couverture du plaidoyer de Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi publié chez Gallimard. L’œuvre était visible dans l’exposition du Mama à Alger.
M’Hamed Issiakhem, dont on connaît davantage les portraits de femmes et d’enfants meurtris, a quant à lui peint un portrait introuvable de Djamila Bouhired qui aurait servi à une campagne de la Fédération de France du FLN en faveur de la militante de la Bataille d’Alger. D’autres à sa suite comme Myriam Ben, Abdallah Benanteur, Farès Boukhatem, Mohammed Khadda, Denis Martinez, Choukri Mesli, Ismaïl Samsom, Bachir Yelles ou Arezki Zerarti, témoigneront de la résistance de leurs compatriotes.
Peintre et urbaniste en charge du département de l’urbanisme d’Alger, Jean de Maisonseul (1912-1999) a connu l’enfermement dans la prison de Serkadji. Suspendu de ses fonctions en 1957, il s’est remis à peindre. Terre ensanglantée notamment est exposé en mai 1958 à Paris.
Entre 1957 et 1963, ils seront de plus en plus nombreux à prendre conscience et à témoigner de la guerre menée contre les Algériens et des méthodes employées par l’armée française et parmi eux, Chafik Abboud (1926-2004), Dino Abidine (1913-1993), Vasco Gasquet [1931-2009], Renato Guttuso (1911-1987), Mariano Hernandez, Jean-Pierre Jouffroy, Ladislas Kijno, Robert Lapoujade (1921-1993), Jean Lurçat (1892-1966), Michel Parré (1938-1998), César Peverelli, Edouard Pignon (1905-1993), Yasse Tabuchi et le dessinateur Siné.
Il nous faut également faire mention du groupe des "Nouveaux Réalistes" constitué en 1960 autour du critique d’art Pierre Restany (1930-2003) et qui revendiquait "le recyclage poétique du réel urbain, industriel, publicitaire". Parmi eux, Raymond Hains (1926-2005) et Jacques de la Villeglé, avec leurs affiches collectées et lacérées, ou encore Niki de Saint-Phalle (1930-2002) avec son autel O.A.S. (visible début 2008 à la Tate Liverpool), épinglaient à leur façon l’irruption du conflit algérien.
Ce sera aussi le cas avec les artistes rassemblés sous l’appellation de "Figuration narrative" dont le travail se nourrit de la surabondance d’images (images d’actualité, BD, cinéma, photographie, publicité...) et que ne laissent pas indifférents les conflits qui agitent alors la planète comme la guerre d’Algérie, puis celle du Vietnam, le débarquement américain de la Baie des Cochons à Cuba, l’affaire Ben Barka, la guerre des Six-Jours, la mort du Che et Mai 68 en France. Parmi eux, Bernard Rancillac et l’Islandais Erró. Ce dernier a participé dès 1960 aux Anti-procès, manifestations internationales prônant l’insoumission. A l’été 1964, Erró, mais aussi l’Espagnol Eduardo Arroyo, l’Italien Leonardo Cremonini et le Français Jean-Jacques Lebel participent à l’exposition "L’Art et la révolution algérienne", qui se tient à Alger, et figurent parmi les donateurs du fonds du même nom. (Photo, "Si Cuba, si Argelia tambien" de Roberto Matta, Huile, 200 x 284, Coll. MNBA, Alger)
– 28 avril - 19 juin 2008, "Les Artistes internationaux et la révolution algérienne", Musée national d’art moderne et contemporain d’Alger (Mama), 25, rue Larbi Ben M’Hidi, Alger, Alger, Tel. : +213 (0)21 30 21 30
Lire :
– Catalogue de l’exposition "Les Artistes internationaux et la révolution algérienne", 28 avril - 1er juin 2008, Musée national d’art moderne et contemporain d’Alger
– L’Art et l’Algérie insurgée d’Anissa Bouayed, préface d’Henri Alleg (Alger, ENAG, 2005)
– La France en guerre d’Algérie. Novembre 1954 - juillet 1962, dir. Laurent Gervereau, Jean-Pierre Rioux, Benjamin Stora, (Nanterre, Musée d’histoire contemporaine/BDIC, 1992)
Ouvrage publié à l’occasion de l’exposition du Musée d’histoire contemporaine de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), 4 avril - 28 juin 1992
– Catalogue de l’exposition "L’Art et la révolution algérienne", 4 septembre - 30 novembre 1984, Musée national des Beaux-Arts d’Alger
– Djamila Boupacha de Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi, Œuvres de Pablo Picasso, Robert Lapoujade et Roberto Matta (Paris, Gallimard, 1962 ; rééd., Gallimard, 2000) |
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