Lors du Conseil municipal de Paris du 12 décembre dernier, la Mairie de Paris avait officialisé la dénomination d’une partie de la place de Ménilmontant, dans le 20e arrondissement, en square Idir. Son inauguration a eu lieu, symboliquement le 20 avril, au 69 rue de Ménilmontant. Idir repose au cimetière du Père Lachaise dans le même arrondissement.
Le 2 mai à Genève, une soirée-hommage à Idir a eu lieu sous la forme d’un concert de Tanina, chanteuse, musicienne et fille de Idir et Sidi Bémol, précédé d’une rencontre pour évoquer la figure de l’artiste, en compagnie de Mustapha Laribi, journaliste, Tanina et Sidi Bémol.
Idir, l’ambassadeur emblématique de la chanson kabyle à travers le monde et l’interprète du célèbre "A vava inouva", est décédé le 2 mai 2020, à l’hôpital Bichat à Paris, à l’âge de 75 ans. Atteint d’une fibrose pulmonaire, contraint au repos depuis le printemps 2019 pour des raisons de santé, Idir avait dû annuler son concert d’août au Festival du chant de marin de Paimpol, ainsi que celui de janvier suivant à Borgerhout en Belgique.
Idir a été inhumé le 13 mai, dans l’intimité familiale, au cimetière du Père-Lachaise à Paris. Dans un communiqué publié sur le Facebook officiel de l’artiste, la famille a partagé un message où il était dit : " Nous avons la tristesse de vous annoncer que notre cher parent a été inhumé ce jour à 15 h 20 au cimetière du Père-Lachaise. Si vous souhaitez vous y recueillir sachez que le cimetière est toujours soumis aux restrictions sanitaires. Nous perdons tous un être cher. "
Si la Kabylie en particulier, tant célébrée par l’artiste, n’a cessé de se recueillir à la mémoire d’un fils illustre, en attendant son retour pour être inhumé au pays, la famille a du préciser, dans un précédent communiqué en date du 12 mai, que le choix d’un enterrement en région parisienne n’était pas seulement dû "à la rigueur des dispositions sanitaires en cours", pour cause de Coronavirus, mais aussi à un choix de l’artiste : "En ces instants de recueillement, nous estimons avoir le devoir de livrer la dernière volonté de notre cher père, frère et oncle, aveu que jusque là, nous considérions d’ordre privé. Bien que son souhait de toujours fût d’être enterré dans son village natal, il a au cours du temps, exprimé auprès de ceux, auxquels incombe l’accomplissement douloureux de ses obsèques, la volonté de se faire inhumer en France, auprès de ses enfants".
L’artiste ne s’était pas produit en Algérie depuis 1979. Les 4 et 5 janvier 2018, il a donné un double concert à la Coupole du 5-Juillet à Alger, devant plusieurs milliers de personnes, qui devait être le prélude à plusieurs dates promises dans le pays.
Arrivé à Paris en 1975, Idir sort A vava inouva, son premier album, bouscule textes et orchestration et donne un nouveau souffle à la chanson d’expression kabyle enregistrée jusque-là en Algérie. Depuis cette époque, l’artiste, qui n’a réalisé que trois autres albums, à continué à déplacer des foules de tous horizons. Derrière leur apparente simplicité, ses mélodies ont résisté au temps.
Hamid Cheriet est né en 1945 dans le village d’Aït-Lahcène en Kabylie. S’il taquine la muse de la musique en composant des chansons, il étudie la géologie et se destine avant tout à une carrière d’ingénieur. Or c’est lui qui, sous le nom de Idir, va offrir à l’Algérie et au Maghreb, leur premier tube international. Intitulée "Avava Inouva" (Mon petit papa), sa ballade, composée dans une veine folk sur un texte de Ben Mohamed, paraît d’abord en 45 tours en Algérie, puis dans un album publié en 1976 chez Pathé Marconi. "Avava Inouva" sera ensuite adaptée dans une quinzaine de langues. Mais il faudra attendre 1989, au terme d’un procès marathon contre son ancien producteur, pour voir Idir enfin libre de réunir une compilation de dix-sept titres qui sort en 1991.
Outre "Avava Inouva", l’album contient une kyrielle de titres indémodables comme "Isefra", "Sendu", "Azguer", "Muqlegh", "Zwit rwit", "Chfigh", "Azwaw", "Tagrawala", "Achawi", "L’mut", "W’ibghun" ou encore "Aghrib". La publication l’année suivante d’un nouvel opus inspiré, Les Chasseurs de lumières, achève de consacrer le retour en force de l’auteur, compositeur et interprète à succès.
En 1992, Khaled qui, sous le titre de "El Harba win ?" (Où fuir ?, 1988), avait repris en arabe "Zwit rwit", l’un des grands succès de Idir, invite ce dernier à venir l’interpréter en duo sur la scène de l’Olympia. Les deux hommes se retrouveront en 1995, au Zénith de Paris, à l’occasion d’un concert géant baptisé "L’Algérie, la vie", dont ils étaient les initiateurs et qui a rassemblé plusieurs milliers de personnes, en présence de nombreuses vedettes algériennes et françaises. Une ovation avait accueilli l’arrivée de Idir sur scène. Il est vrai que depuis longtemps ses récitals sont toujours un grand moment de fête.
Ce sera ensuite Cheb Mami qui lui rend hommage en reprenant "Azwaw".
Identité (1999)
En 1999, l’album Identité, qui revisite le répertoire de Idir, avait permis de réunir dans une même aventure une pléiade de musiciens et amis comme Manu Chao, Maxime Le Forestier, Gilles Servat, Dan Ar Braz ou Geoffrey Oryema, mais aussi l’Orchestre National de Barbès, Gnawa Diffusion, Zebda et le regretté Brahim Izri. Identité est couronné d’un Disque d’or, en quelques semaines, et de deux concerts de retrouvailles à l’Olympia avec les musiciens invités sur l’album et Souad Massi en première partie. Il sera suivi de Deux rives, un rêve (2002), une compilation avec des inédits dont le poignant Pourquoi cette pluie de Jean-Jacques Goldman, qui évoque les intempéries de novembre 2001 à Bab el-Oued.
Ici et ailleurs (2017)
Ici et ailleurs est sorti en avril 2017 chez Sony. Il est composé de onze chansons qui ont nourri le parcours de l’artiste ; onze titres réarrangés et chantés en duo avec Charles Aznavour ("La Bohème"), Patrick Bruel ("Les Larmes de leurs pères"), Francis Cabrel ("La Corrida"), Maxime Le Forestier ("Né quelque part", version kabyle), Grand Corps Malade ("Avancer"), Bernard Lavilliers ("On the Road Again", version kabyle), Gérard Lenorman ("Les Matins d’hiver"), Henri Salvador ("Jardin d’hiver"), Tryo ("L’Hymne de nos campagnes") et Tanina ("Lettre à ma fille"), la fille de Idir.
Parmi eux, notre coup de cœur : "Corrida" de Francis Cabrel, un titre réenregistré en duo avec ce dernier. Une seconde vidéo de quelques minutes présente la collaboration des deux artistes durant l’enregistrement.
Adrar Inu (Ma montagne, 2013)
Cinq ans après La France des couleurs, l’auteur, compositeur et interprète, a publié un album 11 titres qu’il a étrenné en février 2013 à l’Olympia à Paris, en même temps qu’il fêtait 40 années d’une carrière artistique entamée avec le succès international d’"A vava inouva". Et comme toujours chez cet artiste, avec quelques vers bien sentis, une mélodie inspirée, des accords de guitare bien troussés, l’alchimie opère encore pour chanter un pays qui doit beaucoup aux mots pour le dire. Et là, on ne peut comprendre l’attachement de Idir à son terroir natal, la montagne de ses ancêtres, sans saisir l’importance de la langue des berbères et un goût de versifier qui vient de loin, un chant perpétué par une longue chaine d’aèdes, de contes, de récits et de chants. Du coup il y a beaucoup de tendresse dans les mots et la voix du chanteur, pour dire des choses simples, les joies et les peines, l’amour et l’arrachement, le souvenir et l’éloignement, et pour chanter sans détour "Adrar inu", "Ma montagne", lorsqu’il clame : "Ɣas d-iṭij yerɣan / neɣ d-adfel yessan / Ɣas d-azṛu yeḥfan / ḥemlaɣ-k ay adrar inu" (Sous la canicule / Ou un manteau de neige / Même caillou pelé / Je t’aime ma chère montagne).
Parmi les surprises de ce 4e album studio, entre "Adrar Inu" (Ma montagne), "Ccac l-lwiz" (Joli foulard) et "Saεid Ulaεmara" (Saïd Oulamara), un air traditionnel qui n’a pas manqué d’électriser les cérémonies familiales des étés kabyles, on y trouve un hommage à sa mère décédée en mars 2012 ("Tayemmatt"), deux duos avec sa fille, un clin d’œil à Beethoven ("Tajmilt i Ludwig"), au fameux groupe de rock britannique les Who avec une adaptation de "Behind Blue Eyes" et enfin "Targit", adaptée de "Scarborough Fair" une vieille chanson irlandaise popularisée en particulier par Simon & Garfunkel, le célèbre duo à succès des sixties.
En décembre 2015, le Festival Africolor de Saint-Denis a consacré une soirée à Lounès Matoub, "chanteur politique et poétique, figure emblématique de la Kabylie". Pour ce concert en forme d’hommage, qui a eu lieu sur la scène du Centre culturel Jean-Houdremont à la Courneuve, Idir était l’invité d’Ali Amran.
La France des couleurs (2007)
Sur La France des couleurs (2007), Idir reçoit de nombreuses têtes d’affiche de la scène R’n’B, rap et reggae comme Tiken Jah Fakoly ("Africa Tafeka"), Akhenaton de IAM ("Marche sur Jérusalem"), Grand Corps Malade ("Lettre à ma fille"), Noa ("Ce cœur venu d’ailleurs"), Sinik ("Retour"), Disiz La Peste ("Médailles en chocolat"), mais aussi Guizmo, Manu et Daniel de Tryo ("Mama"), Nâdiya ("A mon père"), Oxmo Puccino ("Pèlerinage"), Kenza Farah ("Sous le ciel de Marseille") et Zaho ("Tout ce temps").
Sur le titre qui donne son nom à l’album studio, Idir est rejoint par un grand nombre d’artistes et de célébrités parmi lesquels Jean-Jacques Goldman, Yannick Noah, Thierry Henry et ... Zinedine Zidane, en compagnie duquel Idir a effectué le voyage d’Alger.
Après le double concert inaugural d’octobre 2007 au Zénith de Paris, en compagnie d’invités sur l’album La France des couleurs comme Féfé de Saïan Supa Crew, Disiz La Peste, Nâdiya, Kenza Farah, Zaho et Tanina, la fille de l’artiste, Idir a entamé une tournée en France, en Belgique et en Suisse, où son opus est sorti, ainsi qu’en Espagne et au Canada. Rappelons que le disque sorti le 4 juin précédent a été relayé par ("Je viens de là où l’on m’aime"), un premier single concocté avec Féfé et Leeroy.
Le 17 octobre 2005, paraissait un CD/DVD chez BMG Sony Music. Réalisé par Jean-Paul Miotto, Idir, entre scènes et terres comprend à la fois un concert live et un portrait documentaire avec notamment les témoignages de Jean-Jacques Goldman, Maxime Le Forestier et des membres de Zebda. Idir : entre scènes et terres revient sur la carrière de l’auteur, compositeur et interprète à succès, alors qu’il fêtait ses trente ans de scène.
Le journaliste Farid Alilat s’est attelé à une biographie de Idir, en allant interroger une quarantaine de témoins qui ont côtoyé ou travaillé avec l’artiste. Intitulé Idir, un Kabyle du monde, l’ouvrage est paru en avril 2022 aux éditions du Rocher. (Crédit Photo : DR)
Idir en duo avec Francis Cabrel > "La Corrida" (audio)
Idir et Francis Cabrel enregistrent "La Corrida" (Interview en studio)
– 2 mai 2024, Soirée hommage à Idir, concert de Tanina et Sidi Bémol, précédé d’une rencontre autour de Idir, en compagnie de Mustapha Laribi, journaliste, Tanina Cheriet, chanteuse, musicienne et fille Idir, et Sidi Bémol, Genève / L’Alhambra, rue de la Rotisserie 10, 1204 Genève
Avec le soutien d’algeriades.com – 20 avril 2024, Inauguration du Square Idir, 69, rue de Ménilmontant, Paris 20e
– 25 - 27 octobre 2022, colloque national "Idir : au-delà d’une voix, une ‘oeuvre d’art’", Béjaïa / Faculté des Lettres et des Langues de l’Université - Centre de recherche en langue et culture amazighe (CRLCA) - Campus d’Aboudaou
– 8 juillet 2020, "Hommage à Idir", une soirée proposée par l’ACB Paris, dans le cadre du 13e Festival des Canotiers, Paris / Place Maurice Chevallier (Paris 20e)
– En concert : 20 avril 2019, Cenon / Le Rocher de Palmer
– 19 mars 2019, Villepinte / Espace V Roger-Lefort
– 12 janvier 2019, Idir • Lounis Ait Menguellet • Mohamed Allaoua, Paris / Accorhotels Arena - Palais omnisports de Paris-Bercy – 22 novembre 2018 , Bron / Espace Albert-Camus
– 11 août 2018, Luxey / Festival Musicalarue
– 22 juin 2018, Idir + Souad Massi, Moissac / Cloître / 22e Festival Des voix, des lieux, des mondes
– 8 juin 2018, Caluire-et-Cuire / Le Radiant
– 29 mai 2018, Argenteuil / Centre culturel Le Figuier blanc
– 27 avril 2018, Montréal / Olympia
– 25 avril 2018, Québec / Palais Montcalm
– 7 avril 2018, Montigny-lès-Cormeilles / Office municipal de la culture Picasso
– 5 avril 2018, Vendôme / Minotaure
– 23 mars 2018, Pantin / Salle Jacques-Brel
– 21 mars 2018, Nice / Théâtre Lino-Ventura
– 17 mars 2018, Villeparisis / Centre culturel Jacques-Prevert
– 9 mars 2018, Crolles / Espace Paul-Jargot
– 10 février 2018, Idir + Lounis Aït Menguellet, Trappes / La Merise
– 20 janvier 2017, Goussainville / Espace Sarah-Bernhardt
– 13 janvier 2018, Bruxelles / Espace Magh – 4 et 5 janvier 2018, Alger / Coupole du Complexe olympique du 5-Juillet
Discographie
–Ici et ailleurs
(Columbia, 2017)
–Adrar Inu
(Sony BMG, 2013)
–La France des couleurs
(Columbia / Sony BMG, 2007)
–Entre scènes et terres
CD + DVD (Sony-BMG, 2005)
–Deux rives, un rêve
(Saint-George / Sony Music, 2002)
–Identités
(Saint-George / Sony Music, 1999)
–Les Chasseurs de lumière
(Blue Silver, 1992)
–Ay arrac negh (A nos enfants)
(Pathé Marconi, 1979)
–A vava inouva
(Pathé Marconi, 1976)
(Blue Silver, 1991)
Idir, un Kabyle du monde de Farid Alilat
(Paris, Editions du Rocher, 2022)
"Dehors la neige habite la nuit.
L’exil du soleil a suscité nos frayeurs et nos rêves.
Dedans, une voix cassée, la même depuis des siècles, des millénaires, celle des mères de nos mères, crée à mesure le monde merveilleux qui a bercé nos ancêtres depuis les jours anciens.
Le temps s’est arrêté, le chant exorcise la peur, il crée la chaleur des hommes prêts de la chaleur du feu. Le même rythme tisse la laine pour nos corps, la fable pour nos cœurs.
Allons-nous rester orphelins d’elles et d’eux ? Il faut savoir gré à celui qui, habillant de rythme à la fois moderne et immémorial les vers fidèles et beaux, prolonge pour nous avec des outils très actuels un émerveillement très ancien.
C’est en vain que dehors la neige habite la nuit."
Aucune
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