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  Le 8 février 1962 à Paris

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Le 8 février 1962, alors que la guerre d’Algérie touche à sa fin, au lendemain d’une nouvelle série d’attentats commis à Paris par l’Organisation armée secrète (OAS), dont un visant le domicile du ministre André Malraux qui défigure Delphine Renard, une fillette de 4 ans qui perdra un œil, les syndicats CGT, CFTC, FEN, SNI et UNEF et les formations politiques de gauche appellent à une manifestation "contre le fascisme" et "pour la paix en Algérie". Pour l’historien Alain Dewerpe, il s’agit "d’une manifestation de militants et, toutes obédiences confondues, de militants souvent durablement engagés dans la lutte anticolonialiste".

Malgré l’interdiction du préfet de police Maurice Papon, le rassemblement a lieu. Au soir du 8 février, alors que les 20.000 manifestants commencent à se disperser, les policiers reçoivent pour consigne de les "disperser énergiquement". La police charge le cortège près de la station de métro Charonne en les matraquant et en leur jetant des grilles d’arbres. Huit personnes, matraquées ou étouffées, trouveront la mort à l’entrée du métro. Une neuvième décédera trois mois plus tard de ses blessures. On parlera aussi de 200 à 250 blessés. Les morts étaient tous syndiqués à la CGT et huit d’entre eux membres du PCF. Aucune enquête n’a jamais fait la lumière sur ce que plusieurs historiens qualifient de "massacre d’Etat" et sur les responsabilités dans les ordres donnés.

Auteur de Charonne. 8 février 1962, Anthropologie d’un massacre d’Etat, l’historien Alain Dewerpe, dont la mère figure parmi les victimes, parle de "situation de pré-guerre civile" dans "un contexte d’opérations meurtrières du FLN contre la police, et une campagne d’attentats de l’OAS". "Le pouvoir n’avait pas intérêt à ce que le Parti communiste fasse démonstration de sa force", estime pour sa part l’historien Olivier Le Cour Grandmaison. De ce point de vue, l’opération est un échec. Dans les jours qui suivent, l’émotion est considérable. Le 13 février, aux obsèques des victimes, plusieurs centaines de milliers de personnes défilent en silence à Paris. Une démonstration impressionnante que filme la caméra de Chris Marker et Pierre Lhomme dans Le Joli Mai (extrait). "Pour la première fois, souligne le commentaire du film, on put entendre, à midi, un oiseau chanter, place de la République".

Le 8 février 2012 au métro Charonne à Paris, à l’appel de la CGT et du Parti communiste français, 700 personnes se sont rassemblées à la mémoire des victimes du 8 février 1962 qui avaient participé à une manifestation pacifique "pour la paix en Algérie". Présent au rendez-vous, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, a déclaré : "Charonne, c’est le symbole d’un crime mené par des autorités légales pour des objectifs qui étaient profondément injustes, c’est-à-dire réprimer toute volonté du peuple algérien d’accéder à sa liberté".

Depuis 1982, date à laquelle les rassemblements commémoratifs aux abords du métro Charonne sont autorisés, des parents, proches ou amis, des rescapés et des militants se réunissent chaque année pour un hommage aux victimes. En 2007, à l’initiative de la Mairie de Paris, l’intersection de la rue de Charonne et du boulevard Voltaire a été rebaptisée "place du 8 février 1962". Pour le maire de Paris, Bertrand Delanoë, "sans courage de la vérité, il n’y a pas de civilisation digne de ce nom". (Photo DR)


Métro Charonne, 8 février 1962, Paris se souvient (février 2012)



Charonne : les témoins d’un "massacre d’Etat" à Paris (2’22, AFP, 6/02/2012)





Vidéo > Commémoration Massacre de Charonne par Marcel Trillat (5’39, Journal de 20h sur A2, 8/02/1982, Doc. INA)


Vidéo > 12 février 1962 : obsèques des victimes du 8 février 1962 (1’19, Actualités du 14/02/1962, Doc. INA)


Audio > Mad Sheer Khan > "Charonne" (3’28, album Far Oued, 05/2012)


Vidéo > Leny Escudero > Je t’attends à Charonne (1992)


Vidéo > Diane Kurys > Diabolo menthe (Extrait, 2’42, 1977)


Vidéo > Renaud > Hexagone
(1975)


Les Victimes :


On relèvera 8 morts. Le plus jeune avait 16 ans, une 9e victime expirera 3 mois après des suites de ses blessures. Ils se nommaient :

 Jean-Pierre Bernard (30 ans)
 Fanny Dewerpe (31 ans)
 Daniel Fery (16 ans)
 Anne-Claude Godeau (24 ans)
 Edouard Lemarchand (41 ans)
 Suzanne Martorell (36 ans)
 Hyppolite Pina (58 ans)
 Maurice Pochard (48 ans)
 Raymond Wintgens (44 ans)


Bibliographie :


Dans l’ombre de Charonne d’Alain & Désirée Frappier
(Paris, Mauconduit, 2012)

 Charonne 8 février 1962. Anthropologie historique d’un massacre d’État d’Alain Dewerpe
(Paris, Gallimard, 2006)

 Charonne. Lumières sur une tragédie de Jean-Paul Brunet (Paris, Flammarion, 2003)


Filmographie :



 Mourir à Charonne de Daniel Kupferstein
(Doc., 60 min., Fr, 2009)

 Le Joli Mai de Chris Marker et Pierre Lhomme
(Doc., 143 min., Fr, 1963)

 


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